Cent quarante personnes se sont présentées au conseil de quartier de Saint-Roch, jeudi 23 octobre, pour assister à une « activité de participation publique de la Ville » sur le projet du promoteur Trudel à l’îlot Dorchester. Les gens se sont présentés en grand nombre : une deuxième salle a été mise à leur disposition et une centaine de personnes ont participé en ligne. Pierre-Luc Lachance, conseiller de Saint-Roch–Sauveur, était présent en ligne. Sur place : Mélissa Coulombe-Leduc, conseillère de Cap-aux-Diamants, accompagnée de deux représentants du promoteur et des représentants de la Ville. Mélissa Coulombe-Leduc a annoncé d’emblée : « Ce soir, on est dans une rencontre d’information. On est vraiment en amont du processus. » Elle a précisé que cette première rencontre précède à tout ce qui pourrait suivre comme consultation publique légale sur l’aménagement et l’urbanisme.
Le projet immobilier planifié par le groupe Trudel compte quatre bâtiments de 7 à 12 étages et un immeuble de 20 étages, dont les 10 derniers seraient réservés à un hôtel. Le promoteur prétend que cette partie est essentielle à la rentabilité du projet et présente les dépassements au zonage actuel conditionnels à sa réalisation. Les règles actuelles du PPU de Saint-Roch (plan particulier d’urbanisme) adopté en 2017 par la Ville de Québec limitent la hauteur des constructions à 10 étages dans cette partie du quartier Saint-Roch.
« La tour de 20 étages va obstruer plusieurs percées visuelles de Saint-Jean-Baptiste », a souligné un résident du faubourg. « Une qualité de la ville de Québec, ce sont ses percées visuelles », a précisé un résident de Montcalm. Même préoccupation pour un résident de la rue Arago, dans Saint-Roch. : « Dans l’espace public, c’est important de pouvoir voir le ciel, les montagnes, le lointain », a-t-il souligné. « Y a beaucoup de gens dans Saint-Jean-Baptiste qui ont une vue sur le nord », a noté une autre citoyenne. Comment on peut passer d’un PPU qui permet 10 étages à 20 ? Cela vient discréditer la réflexion de toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration du PPU. C’est vraiment en porte-à-faux avec ce qui avait été convenu au départ », a-t-elle laissé tomber, avant d’être chaleureusement applaudie. Le promoteur justifie sa demande de dérogation de zonage par la pénurie de logements, l’urgence de construire, la rentabilité du projet, voire la lutte contre les Airbnb. Tout y est : même la lutte aux îlots de chaleur.
Nicolas Saucier, du quartier Saint-Roch, a rappelé : « J’étais membre du conseil de quartier quand on a adopté le PPU. Il faut faire attention. Dans la limite maximum qu’on avait mise à l’époque, c’était l’édifice Beenox qui était le plus haut des édifices du secteur. » Le promoteur se réfère aujourd’hui à la Tour Fresk pour justifier la hauteur du projet. Pour Nicolas Saucier : « C’est un peu comme si on disait aux gens de la rue Cartier [qu’] on va construire quelque chose d’aussi haut que le Concorde… J’ai vécu dans Sillery, dans Saint-Roch, à Montréal. Partout les propriétaires achètent des terrains en connaissant les normes en vigueur. Ils tentent toujours de changer les normes. C’est un peu agaçant à la longue. Je ne vous vise pas vous (les Trudel), mais c’est comme un pattern qu’on voit tout le temps », a-t-il laissé tomber.
Un citoyen de Saint-Roch a aussi demandé si une étude sur les vents a été réalisée : « Pas encore », a répondu le promoteur. « On ne peut faire une étude des vents à cette étape-ci, cela est trop coûteux ». Des gens ont aussi critiqué le fait qu’un supermarché s’installe au rez-de-chaussée du projet. Ils ont noté l’importance de consolider la rue Saint-Joseph qui a déjà plusieurs espaces commerciaux vacants. Un citoyen s’est plutôt demandé qu’elles garanties ont-ils d’y voir un supermarché dans le projet. Là encore, le promoteur affirme que cela est conditionnel aux modifications de zonage.
Plusieurs personnes veulent des plans plus précis : « Il y a plus d’informations à fournir et des détails sur les effets de l’immeuble éventuel sur les perspectives visuelles. » Le promoteur promet de produire des documents en trois dimensions qui seront disponibles sur Internet.
Un autre citoyen a souligné qu’un hôtel, cela a un débarcadère, une entrée, etc. Les promoteurs n’ont pas encore une idée où serait installée l’entrée de l’hôtel. « La construction n’est pas encore rendue à ce niveau là », conviennent-ils.
Le prix des éventuels logements du complexe (qui en conterait 390, dont 40 logements sociaux) n’est pas encore connu, mais plusieurs sont sceptiques quant à leur accessibilité : « Je suis témoin de l’explosion de l’itinérance. On parle de l’explosion du prix de loyers. Quel sera le prix des loyers de l’îlot Dorchester ? », a demandé un citoyen de Saint-Roch. Là-dessus aussi, rien n’est encore précis, a avoué le représentant du promoteur : « Quand on construit du neuf, ils sont quand même relativement hauts, a-t-il annoncé. À Fleur de Lys (un complexe que Trudel est en train de construire), les logements seront entre 900 $ et 2000 $ par mois, selon les dimensions, a-t-il précisé, avant d’ajouter [pour le projet de l’îlot Dorchester], on vise une clientèle de personne seule, des 3 et demi plus, avec bureau, c’est le type de produit qu’on vise. »
« Au moins si les logements servaient à des familles, des 5 et demi pour répondre à la crise du logement, il y aurait plus d’acceptabilité sociale », a souligné une citoyenne.
Une résidente de la rue Arago, formée en architecture, demande que les architectes et les urbanistes de la Ville de Québec analysent les plans actuels afin de saisir les vrais impacts du projet. Lorsqu’elle a vu les modifications demandées par le groupe Trudel, elle a été choquée : « Est-ce que tout le monde se moque de nous ? Y compris notre Ville ? Si c’est si important, ce terrain au centre-ville de Québec, ça tombe sur les épaules de la Ville d’étudier la faisabilité des choses qui sont désirables pour le quartier. (…) Les parties de Saint-Roch qui sont coincées dans un sandwich, entre l’îlot et la falaise, vont être étouffées par toute la masse. » Elle a ajouté : « On dit qu’on va faire disparaître les îlots de chaleur, que les toits verts vont compenser pour ça. Mais tout le volume qu’on va ajouter va emmagasiner la chaleur le jour et va la dégager la nuit. Et les couloirs de vent, pas encore étudiés, on va construire et on va rester avec. Une fois bâti, ça va être là et ça va gâcher la vie », a-t-elle laissé tomber.
Un citoyen a rappelé que le PPU de 2017 était déjà un compromis entre les développeurs et les gens du quartier : «Là, on est en train de faire un compromis sur un compromis », a-t-il souligné. « Je voudrais juste rappeler l’argument principal au centre de tous nos questionnements depuis le début de la soirée. C’est l’argument qui est présenté par le groupe Trudel selon lequel il n’y aura pas de rentabilité au projet si on diminue sa densité ou sa volumétrie. Donc, ce serait impossible de s’ajuster au PPU de 2017, sinon le projet ne serait pas rentable. Ayons un peu d’esprit critique : la seule personne qui nous dit ça, c’est le groupe Trudel. C’est eux qui vont empocher tous les profits du projet. Si on veut avoir un peu de transparence dans le projet, il faudrait avoir les états financiers et les prévisions budgétaires. Autrement, on doit vous faire confiance et on a toutes les raisons de ne pas le faire», a-t-il affirmé.
Les représentants du promoteur n’ont pas répondu à cette demande. La conseillère municipale, Mélissa Coulombe-Leduc, est venue en renfort et a plutôt demandé : « Qu’est-ce qui ferait que le projet soit acceptable ? » Le citoyen a répondu : « Tout ce qu’on demande, c’est de la transparence. Actuellement, le projet ne répond pas aux besoins de logements dans le quartier ; c’est-à-dire d’avoir des logements abordables, accessibles. Je vous jure, il n’y a pas une famille qui peut s’installer dans une tour comme ça. »
Michel Beaulieu, résident de Saint-Jean-Baptiste, a rappelé : « Ce projet n’a rien de nouveau. Vous dites, on a évolué, on avance. Je pense qu’il rappelle plutôt le passé. On retourne 35 ans en arrière. Comme le projet de Laurent Gagnon, un projet très près de celui que vous voulez faire, à peu près à la même distance de la falaise [dans l’actuel jardin Jean-Paul-L’Allier dans Saint-Roch]. Un projet de deux hôtels de 15 étages chacun. Ça fait 35 ans. »
Michel Beaulieu a rappelé, qu’en 1989, suite aux contestations citoyennes, Jean-Paul L’Allier, du Rassemblement populaire (alors chef de l’opposition), en a fait un enjeu électoral et s’est engagé à ne pas faire le complexe immobilier. Il a gagné la mairie, détrônant le maire de l’époque, Jean Pelletier qui défendait le controversé projet immobilier.
Conseil de quartier de Saint-Jean-Baptiste
Lundi 25 novembre à 19h et Lundi 27 janvier 2025
Au Centre culture et environnement
Frédéric-Back, 870, avenue Salaberry,
Salle 322.
Conseil de quartier de Saint-Roch
Jeudi 28 novembre à 18h30 et jeudi 19
décembre 18h30. (Le Conseil de quartier du 19 décembre est annulé parce que les membres du conseil veulent aller faire leur magasinage et surtout, ne pas prendre position sur le projet de l’îlot Dorchester.)
au YMCA Saint-Roch, 500, rue du Pont
Conseil municipal de la Ville de Québec
Période de questions des citoyens
Mardi 19 novembre, mardi 3 décembre,
mardi 17 décembre 14h,
Hôtel de ville, 2, rue des Jardins,
salle du conseil