La lutte syndicale des employés du Club Entrepôt de Québec

Par Francine Bordeleau
Publié le 18 avril 2024
Une partie du groupe du Club Entrepôt : Gaétan Gagné, Nathalie Blouin, Josée Gravel, Pierre Blouin. Photo : Benoît Poulin

Sous le coup d’un lock-out décrété après une unique journée de grève, les travailleuses et les travailleurs du Club Entrepôt ont décidé de se battre contre un géant qui les écrase. Ben oui!

Lorsqu’ils passent à hauteur du Maxi du boulevard Henri-Bourassa, aux abords de l’arrondissement Charlesbourg, des automobilistes klaxonnent parfois, en signe d’appui. C’est là que les employés en lock-out du Club Entrepôt, commerce contigu au Maxi, ont dressé leur ligne de piquetage. Ce coin de la ville est exposé aux quatre vents mais par chance, l’hiver a été plutôt clément.

Comme le dit Gaétan Gagné, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Club Entrepôt, on est ici dans « un tout petit magasin peu connu du grand public ». Avant le lock-out, le chiffre d’affaires hebdomadaire du magasin, assuré par une clientèle formée principalement de propriétaires de dépanneurs et d’épiceries qui s’approvisionnent en gros, pouvait néanmoins atteindre les 600 000 $, selon M. Gagné.

Mais à l’évidence, les dirigeants de Loblaw ont la mèche courte. Loblaw, c’est la maison-mère, et un empire canadien de la distribution alimentaire qui, à partir de son fief de Brampton, dans la banlieue de Toronto, exploite une panoplie de bannières, dont Maxi, Provigo, Pharmaprix, T & T et Joe Fresh.

Un conflit révélateur

Sans convention collective depuis octobre 2022, les 23 employés du Club Entrepôt ont exercé leur droit de grève le 9 juin 2023. « Le lendemain, les portes étaient fermées. On est en lock-out depuis ce temps-là », raconte M. Gagné.

Amorcées au début de 2023, les négociations ont achoppé sur la question des salaires. L’offre patronale, qui n’a pratiquement jamais varié, tient en gros en ceci : une convention d’une durée de sept ans et des augmentations de salaire de 2% et de 1,5% par année, soit bien en-deçà des taux d’inflation enregistrés depuis 2022. Déjà que le secteur de l’alimentation, que Gaétan Gagné qualifie de « très dur », est le royaume des bas salaires…

« Dans l’épicerie, les conditions de travail sont pitoyables », renchérit Serge Monette, vice-président de la Fédération du commerce, une organisation affiliée à la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Le syndicat du Club Entrepôt est d’ailleurs représenté par la CSN.

Pour les Loblaw, Metro, Sobeys, Costco et Walmart, ces colosses de la distribution alimentaire qui « font de l’argent comme de l’eau », un mantra : «les conventions les plus longues possible et les salaires les plus bas possible », affirme M. Monette. Les dits colosses ont aussi tendance à multiplier les postes à temps partiel : un statut qui n’est pas toujours souhaité car il comporte moult désavantages, dont la précarité financière. (Des pratiques similaires sont constatées dans le secteur proche parent de la quincaillerie.)

Loblaw n’est donc pas le seul mauvais élève de la classe. « Disons qu’avec Loblaw, ce n’est jamais facile », insiste toutefois Serge Monette.

Contre toute attente, un règlement

Alors que l’on s’apprêtait à mettre sous presse, coup de théâtre : les deux parties ont conclu une entente de principe.

« Nos membres reprendront le travail bientôt », a commenté Serge Monette par courriel le 16 avril à 18 h.

Pendant ce temps, il y eut un été, un automne, un hiver et un printemps. Au fil des mois, la ligne de piquetage dressée en juin 2023 en face du Maxi du boulevard Henri-Bourassa s’était décimée car des employés, écœurés, sont allés voir ailleurs. Les autres ont pu tenir le coup grâce au fonds de grève de la CSN combiné au produit de campagnes d’appui.

Pour l’heure, il est encore trop tôt pour préciser les termes de l’entente.

Demain

Demain (c’est-à-dire l’an prochain, en 2025), la Fédération du commerce entamera dans le secteur de l’alimentation une « négociation coordonnée », soit une négociation touchant plusieurs établissements. On aura compris qu’une telle stratégie permet aux syndicats d’exercer une pression sur les employeurs.

Et s’il est vrai que, comme l’affirme Gaétan Gagné, « les conditions de travail dans le secteur sont en régression constante depuis quarante ans », cette stratégie est peut-être la seule qui tienne pour que les travailleuses et les travailleurs de l’alimentation soient mieux traités.

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