Verdir au détriment du transport en commun est inquiétant

Par Nathalie Côté
Publié le 15 décembre 2023
Une centaine de personnes ont participé à la soirée du 7 décembre dans le quartier Saint-Sauveur. La Ville y présentait son projet d’aménagement de la rue Saint-Vallier. Photo: DDP

« La conversion de Saint-Vallier en sens unique fragiliserait de manière définitive l’offre de mobilité déjà limitée dans un des quartiers les plus défavorisés de la ville, et où l’offre en matière de transport en commun est déjà insuffisante. Ce n’est pas de ça dont Québec a besoin en ces temps difficiles pour le transport en commun. »

Ce sont les mots de Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville au lendemain de la présentation du projet de la Ville de Québec dans Saint-Sauveur.

Son collègue, Jean-Yves Chopin, conseiller en aménagement, renchérit : « C’est un signal inquiétant que pour faire des gains en matière de verdissement, on diminue la qualité et l’accessibilité du transport en commun. Le quartier a besoin d’une amélioration du transport en commun, pas d’une détérioration. »

Selon lui, il y a moyen de faire un projet emballant : « Dans certaines villes européennes, on considère compatible d’avoir des bus dans des rues partagées à vitesses très basses, 20 ou 30 kilomètres ».

Une citoyenne de la rue Saint-Luc critique le détournement des bus sur sa rue. Photo: DDP

Le point de vue de Vivre en ville rejoint les critiques des citoyens face au projet que la Ville venue présenter son plan dans le quartier Saint-Sauveur le 7 décembre. Une centaine de personnes s’étaient déplacées pour faire valoir leurs points de vue sur les transformations majeures qui vont changer le visage du quartier.

Si tout le monde veut plus d’arbres, le projet de sens unique suscite des questionnements sérieux. La Ville veut enlever une voix aux voitures pour y planter des arbres. Un sens unique en direction ouest entraînerait le déplacement de plusieurs parcours de transport en commun dans les rues environnantes.

Plusieurs résidents de la rue Saint-Luc dénoncent les éventuels passages des bus sur leur petite rue tranquille.« C’est épouvantable. C’est un manque de respect, » a soulevé l’un d’eux, avant d’être chaleureusement applaudi.

Cinq organismes critiquent les choix de la Ville

S’ajoutent à la voix de la population, celles de plusieurs groupes. En plus de Vivre en ville, Accès transports viables, le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec, le Comité des citoyens et des citoyennes du quartier Saint-Sauveur et le Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale, demandent à la Ville de corriger les aspects problématiques de son projet.

Pour ces organisations, des améliorations devront être apportées avant une version finale du projet. Les travaux doivent débuter en août 2024 et durer au moins deux ans. La Ville profite des travaux d’aqueduc à réaliser pour améliorer la canopée du quartier avec le soutien du ministère de l’environnement.

« Verdir nos milieux de vie est une mesure responsable et nécessaire, mais cela ne devrait jamais se faire au détriment du service fondamental que constitue le transport en commun. »

Un projet vert imposé d’en haut

La Ville veut faire de la rue Saint-Vallier Ouest « un grand corridor vert de la biodiversité, » et « offrir un accès à la nature ». Elle compte enlever de l’asphalte sur 16% de la rue et ajouter 240 arbres, des espaces de verdure, un étonnant bassin d’eau. Sans oublier les papillons…

En outre, le projet actuel apparaît peu démocratique. Comme le souligne Catherine Rainville du comité citoyen « la soirée du 7 décembre aurait dû avoir lieu au printemps dernier ». Depuis plusieurs années, des consultations ont eu lieu à propos du verdissement du quartier. Cependant, la Ville n’a jamais soumis l’idée de sens unique à la consultation publique.

Pour les cinq organisations critiques du projet, la rue Saint-Vallier Ouest est la meilleure rue pour accueillir des autobus, en raison de sa position centrale et de la présence de nombreux organismes communautaires et commerces. Selon les groupes « La Ville de Québec a pris cette décision à l’interne, sans jamais la soumettre à la discussion publique. La modification de la desserte en transport en commun a pourtant des impacts considérables pour les citoyens et citoyennes qui dépendent de ce service public pour se déplacer au quotidien. »

Des cyclistes questionnent aussi le choix de la Ville. Le conseiller de Saint-Roch-Saint-Sauveur, Pierre-Luc Lachance, assure qu’une nouvelle piste cyclable permettra d’aller vers le centre-ville. Selon Marie-Soleil Gagné d’Accès transports viables : « La rue Saint-Vallier Ouest est très fréquentée pour une multitude d’usages, notamment celui du vélo. Le projet tel qu’il est présenté ne permet pas aux cyclistes de circuler de manière sécuritaire dans les deux sens, ce qui vient en inadéquation avec les efforts affichés de l’administration en matière de sécurisation des déplacements cyclables. »

Un projet coulé dans le béton?

Tant que le chantier n’est pas commencé, il n’est pas trop tard. « Au printemps dernier, la décision de convertir la rue en sens unique était déjà prise. On se retrouve donc aujourd’hui avec un projet dont on doit multiplier les mesures d’atténuation pour répondre aux nombreuses préoccupations en matière d’accessibilité », signale Émilie Frémont-Cloutier du Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec.

En somme, tout le monde demande à la Ville de Québec de revoir ses plan. Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale précise: « Verdir nos milieux de vie est une mesure responsable et nécessaire, mais cela ne devrait jamais se faire au détriment du service fondamental que constitue le transport en commun. Le quartier Saint-Sauveur mérite un verdissement adapté au milieu, et c’est tout à fait compatible avec une amélioration, plutôt qu’une détérioration, de la desserte de transport en commun.»

Alexandre Turgeon fait même quelques suggestions à la Ville: «En révisant les exigences exagérées pour la largeur des voies de circulation et en retirant plus d’espaces entre ces voies et les trottoirs élargis, la Ville réussirait à atteindre davantage les objectifs poursuivis au nom de la santé durable.»

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