Le montant de sept milliards de dollars qu’on offre à Northvolt, pour une usine de batteries, peut surprendre. On parle d’un montant de dépense normalement réservé aux mégaprojets de transports, ou pour la construction de barrages hydroélectriques – des infrastructures qui appartiennent au public. L’usine et les batteries qu’elle produit appartiendront à une compagnie suédoise. Un tel niveau d’assistance sociale pour des investisseurs scandinaves peut prêter à controverse, mais en réalité, ce type d’implication gouvernementale est devenu normal dans le fonctionnement de notre économie.
De plus en plus, on voit le pouvoir des entreprises par leur capacité d’exiger des cadeaux des gouvernements pour s’installer dans une région donnée. L’un des impacts des ententes dites de « libre-échange » est de permettre aux entreprises de traverser les frontières sans contraintes, dans le but de maximiser leurs profits. Ainsi les entreprises manufacturières cherchent à s’installer dans des pays où les salaires sont bas. Au Québec, où les salaires sont relativement hauts, le gouvernement doit appâter les entreprises privées avec des subventions pour attirer leur attention et les empêcher d’aller voir ailleurs.
Tout cela, bien sûr, va à l’encontre du concept du capitalisme, qui prône le risque, le travail, l’innovation et surtout l’absence d’intervention de l’État. On n’est pas censé demander de l’aide financière au gouvernement : cela interfère dans le libre marché.
On fait face à une crise liée à la destruction de l’environnement, on le sait, et on doit faire quelque chose pour la régler. Les énergies fossiles sont la pire source de pollution et si on peut réduire notre dépendance à leur égard, on va améliorer notre sort. L’électrification des transports est une avenue très prometteuse pour atteindre ce but.
Le gouvernement du Québec souhaite développer l’industrie de la batterie automobile, mais la seule façon qu’on semble pouvoir le faire est de payer quelqu’un d’autre pour le faire. On peut se demander : pourquoi ne pas construire l’usine nous-mêmes ? C’est en effet difficile à expliquer.
D’un côté, le secteur public fait face à une perte d’expertise au sein de l’État. Mais ce n’est pas le cas pour ce qui concerne la batterie automobile : le Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie d’Hydro-Québec est à l’avant-garde dans ce domaine. Est-ce qu’ils auraient pu mettre ces 7G $ au service du développement de d’autres infrastructures publiques qui bénéficient énormément au Québec, comme les barrages hydroélectriques qui profitent au pays ?
D’un autre côté, on nous parle de bons emplois et de bonnes taxes. Mais 7 milliards de dollars équivalent à 100 000 salaires à 70 000 $ chacun. Voilà la taille du cadeau.
La voiture électrique est devenue un puits sans fond d’argent public. Son achat est subventionné, aux bénéfices des entreprises comme Tesla, qui appartient à Elon Musk, la personne la plus riche au monde. Le véhicule électrique est plus lourd qu’un véhicule à combustion interne, ce qui accélère l’usure des routes. De plus, son poids supérieur augmente la pollution causée par les pneus et les freins – une pollution de microparticules qui est particulièrement néfaste pour la santé. Le secteur public s’occupe du développement du réseau de recharge des véhicules électriques, principalement par l’entremise d’Hydro-Québec.
Même si ces investissements permettent de réduire la pollution liée aux moteurs à combustion interne, les autres problèmes liés à l’usage d’une automobile personnelle demeurent. La voiture personnelle est hautement inefficace, avec des problèmes de congestion routière et de manque de stationnement chroniques. L’automobile coûte cher à son propriétaire : 10 000 $ par année en moyenne, et cette somme est payée plusieurs fois par le public, notamment pour la construction et l’entretien des routes. Enfin, l’automobile est dangereuse : les accidents routières sont la troisième cause de décès évitables au Québec, et la cause principale de décès chez les jeunes de moins de 30 ans.