Fini l’écriture inclusive!

Par Gilles Simard
Publié le 22 septembre 2023

C’est à Droit de Parole que tout ça a commencé pour moi, et c’est à Droit de Parole que ça se termine. Quoi au juste? L’écriture « inclusive », cette novlangue issue du politiquement correct qui, sous couvert d’inclusion et tout le bataclan, laboure, morcelle, disloque et rabote la langue au point d’engendrer de la confusion chez le lecteur et de brouiller le message initial, quel qu’il soit, outre d’exclure une bonne partie de la population éprouvant des difficultés de lecture (troubles dys*, immigrants, analphabètes, etc.).

Ainsi, alors que ma formation de journaliste me criait pourtant le contraire, je m’aperçois que si j’ai employé (en partie) l’écriture inclusive pendant toutes ces années, c’était par désir de bien faire certes, mais aussi pour acheter la paix et ne pas trop déplaire aux camarades. La fameuse doxa de gauche, quoi.

Auto-saboter son message

En réalité, notre cerveau n’ayant que quelques pauvres demi-secondes pour accrocher (ou pas) au paragraphe principal (lead) d’un article ou d’un texte, pourquoi, voulez-vous bien me dire, compliquer ce message en le truffant de parenthèses, tirets, points médians, gros E ou encore d’une trâlée de mots à double flexion (Québécois, Québécoises, lecteurs, lectrices, citoyens, citoyennes, etc.)? Pourquoi compliquer la visualisation et la verbalisation intérieure du message principal si ce n’est pas pour se soumettre (consciemment ou pas) aux diktats du politiquement correct (wokisme) plutôt qu’autre chose?

On ne désinvisibilise pas les femmes (au contraire!) et on n’aide aucune minorité quand on fait décrocher le lectorat du message principal à cause d’une féminisation à outrance ou encore d’un langage trop particulier trop poussé. Ça devient alors de l’auto-invisibilisation voire de l’auto-sabotage.

Une écriture qui exclut

Cela dit, je n’ai rien contre une féminisation intelligente des termes, voire une écriture épicène qui allégera un texte tout en ménageant les humeurs sociales de mon lectorat. Mais là où le bât blesse avec l’écriture inclusive tous azimuts, c’est qu’à force d’acrobaties grammaticales et d’improvisations syntaxiques devant s’accorder avec toute la constellation des différentes catégories de genres ou d’oppressions, cette écriture, qui prétend englober tout le monde, exclut d’entrée de jeu, je le répète, les personnes dys, les analphabètes (fonctionnels ou pur jus), les immigrants, les étudiants étrangers, sans compter tous ceux et celles qui écrivent au son et qui pullulent chez les « dos-voûtés », ces néozombies aveugles et rampant sur les trottoirs, traînés de peine et de misère par leur téléphone-tracteur. Méchante contradiction, n’est-ce pas, que d’exclure tout ce beau monde en prétendant l’inclure ?

Non mais? Comment voulez-vous qu’une personne dyslexique ou dysorthographique puisse décoder du sens dans un texte où une chatte n’y retrouverait pas ses petits ? Un texte où le cerveau buttera constamment sur les tirets, les gros E, les parenthèses et les points médians quand ce ne sera pas sur les iels-les, les toustes et les celleux-ses inaccordables de cette novlangue prétendument non genrée ? Comment verbaliser intérieurement, lire et décortiquer aisément une graphie qui ressemblera tantôt à un indicateur de chemins de fer avec des stations pénitentielles, tantôt à un trip d’acide sémantique et ribonucléique ? J’exagère ? À peine… En tous cas, n’allons surtout pas nous méprendre sur les réticences tout à fait normales d’une majorité populaire totalement ahurie par ce fourbi pronominal égotiste, elle à qui on n’a jamais demandé son avis, et elle qu’on traitera si facilement de réactionnaire ou d’arriérée dès qu’elle formulera la moindre critique censée contre cette langue des offensés en permanence.

Le message plutôt que l’idéologie derrière

En terminant, je pourrais très certainement ajouter quelques bonnes dizaines d’arguments de linguistes, grammairiens, philosophes, sociologues, orthophonistes et autres spécialistes en tous genres qui disqualifient l’écriture inclusive, mais à ce stade, ça deviendrait de l’empilage pour de l’empilage et ça ne ferait qu’alourdir ce texte, lequel n’a bien sûr pas la prétention d’être un réquisitoire exhaustif sur un tel sujet à la fois si simple et si complexe. Rappelons simplement qu’il y a mille et une manières de travailler à l’égalité des femmes, sans pour autant user à outrance de la féminisation des termes dans l’écriture. De même, on peut être favorable aux besoins des minorités en tous genres, sans qu’il soit nécessaire pour autant de se soumettre à l’idéologie woke du moment, si populaire soit-elle dans certains milieux de gauche où foisonnent la supériorité morale, les bons sentiments et la vertu. Enfin, s’agissant de la mouvance derrière l’écriture inclusive, je dis oui à une analyse intersectionnelle équilibrée, mesurée, mais je répugne à toutes les formes de dogmatismes qu’elle peut engendrer lorsqu’elle déborde et se transforme en « blob » idéologique insinuant, suppurant, étouffant et mortel pour l’intelligence. Vive une écriture libre, vive une parole libre !

*Troubles dys. : Troubles cognitifs d’apprentissage ; dyslexie (écriture), dysorthographie (expression écrite), dysphasie (langage oral), dyscalculie, dyspraxie verbale, etc.

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