Le tueur qui venait du froid

Par Francine Bordeleau
Publié le 20 février 2023
R.J. Ellory, Une saison pour les ombres, Paris, Sonatine, 2023, 408 p.

Depuis son entrée en force sur la planète polar il y a deux décennies, le Britannique Roger Jon Ellory signe un livre presque chaque année. Sa plus récente intrigue est campée dans l’enfer glacé d’une ville minière du Nord québécois. Alléchant, non?

Voilà des lustres que Jack Devereaux, ci-devant héros de Une saison pour les ombres, a rompu les ponts avec Jasperville, la ville-champignon (fictive), située aux confins du Labrador, où il a grandi. Ses parents avaient décidé d’y déménager en 1969 sur promesse de gros salaires. Jack avait alors 3 ans.

Quelque temps plus tard, soit en 1972, un drame secoue Jasperville, aussi surnommée «Despairville » (littéralement : « ville du désespoir »). Par un beau dimanche de février, Lisette Roy, 17 ans, était allée chez une amie. N’en est jamais revenue. Elle fut retrouvée « ouverte et vidée », le corps déchiqueté. Pas d’apparence de viol, toutefois. Dans cette communauté tissée serré, on préférera donc croire à l’œuvre d’une bête sauvage plutôt qu’à un crime sordide. Fin 1974, ce sera au tour d’Anne-Louise Fournier, 15 ans. Thérèse Bergeron, la meilleure amie de la sœur aînée de Jack, y passera aussi. Puis Virginie Fortin, Madeleine Desjardins… Trop de morts atroces pour une si petite ville. Des morts qui bientôt, pour une raison mystérieuse qui sera révélée à la fin, obséderont Calvis, le frère cadet de Jack.

En finir avec ses fantômes

Lorsque s’ouvre le récit, Jack Devereaux a quitté, ou plutôt fui Jasperville, depuis un gros quart de siècle. Il avait 18 ans. La sœur aînée et la mère sont mortes dans des circonstances que l’on taira. Calvis est âgé de 12 ans et a peur du père qui, depuis la mort de Thérèse Bergeron, semble la proie d’une violence insidieuse. « Si tu pars, il me tue », dit Calvis à Jack. Mais ce dernier n’en peut plus de Jasperville. Il se résout même à abandonner Carine, la sœur de Thérèse, dont il est pourtant amoureux. Mais le passé revient. Calvis, accusé de tentative de meurtre, est en prison à Jasperville. Rongé par le remords et la culpabilité depuis son départ, Jack entreprend, d’abord un peu à son corps défendant, d’aider ce petit frère qui, lui, a pris sur ses épaules un bien lourd fardeau. Après des décennies d’enquêtes laxistes, lumière sera faite sur les morts suspectes de Jasperville (et d’autres villes nordiques, comme Wabush) grâce à Calvis, qui aura malheureusement payé au prix fort des fautes et des crimes commis par d’autres.

Avec Une saison pour les ombres, Ellory donne à lire une histoire sombre à souhait, qui baigne dans une atmosphère délétère qu’exacerbe un environnement naturel hostile parfaitement décrit. Vous aurez compris que Jasperville, créée pour répondre aux besoins en main-d’œuvre d’une minière appelée ici « Canadian Iron », est proche parente de notre fruste, froide et rugueuse Schefferville. On y va pour le salaire et on y vit comme on peut.

La trame du récit n’est pas sans évoquer le film Insomnia réalisé par le cinéaste Christopher Nolan en 2002 (et remake du film du Norvégien Erik Skjoldjærg sorti en 1998). Mon principal bémol concerne toutefois la traduction, parfois un peu bâclée, qui nous vaut notamment quelques anglicismes.

Commentaires

  1. C’est le roman le moins intéressant de Ellory. Chaque page ou presque reprend la description des remords de Jack, j’en avais la nausée.
    En plus, une ville maudite, ça ne prend pas avec moi ni avec beaucoup de lecteurs. Pour un récit censé coller à la réalité, c’est raté. Les Québécois ne croient pas à des entités comme le wendigo, pas plus que les autochtones. Ellory nous prend pour des imbéciles.

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