Retour sur la manif antiraciste du 20 août

Par Lynda Forgues
Publié le 14 septembre 2017
Les fumigènes colorés à usage récréatif, qui mettent de l’ambiance dans les manifs partout dans le monde,  ne sont pas courants à Québec. Cela donne de bonnes photos et ça ne blesse ni n’incommode personne. Photo: Réal Michaud

La manifestation anti immigration du 20 août dernier du groupe la Meute était annoncée depuis plus d’un mois; mais après le drame de Charlottesville, en Virginie, où une manifestante a perdu la vie dans attaque à la voiture bélier perpétrée par un suprématiste blanc, la tolérance nord-américaine envers la droite et l’extrême droite n’était plus de mise.

Sauf au Québec. Du côté politico-médiatique, la Meute a en effet été soit accueillie avec bienveillance, soit différenciée des vrais «radicaux» du groupe Atalante, soit banalisée ou ignorée. Ses chefs ont été invités à l’émission de grande écoute Salut Bonjour le matin même de leur manif.

À Québec, plusieurs centaines de personnes de tous les âges et de divers horizons ont répondu à l’appel lancé sur Facebook de venir dénoncer le racisme, la haine et la xénophobie, et ont commencé à se regrouper dès 12h30 en ce beau dimanche ensoleillé, au carré d’Youville. Des personnes du Saguenay et de Montréal sont aussi venues en appui.

Un rassemblement populaire avant tout

Le rassemblement au carré d’Youville, lieu symbolique pour les gens de Québec, a rapidement pris des airs de printemps 2012, avec son aspect bigarré : jeunes, familles, partis politiques, la fanfare Tint (A) Nar, bannières aux slogans originaux, du rouge, du noir, des masques, des pancartes faites main. Malheureusement, de nombreux médias ont vite déserté le carré et son aspect festif pour la colline parlementaire. En effet, les autobus arrivant de Montréal s’y étaient arrêtées pour bloquer la Meute à leur point de rassemblement, un stationnement intérieur du complexe G. Le but devait être de contrer le discours anti immigration du groupe de droite. Les médias espéraient y réaliser des photos et des reportages plus sensationnels que n’en auraient donné une marche tranquille.

Pendant ce temps, plus de 600 personnes ont pris la rue lentement, derrière les quelques bannières, en scandant des slogans, et au son de la fanfare, jusqu’à la fontaine de Tourny. Une fois rendue devant l’Assemblée nationale, la manifestation légale était terminée, mais la Meute n’était pas au rendez-vous. Quelqu’un a averti la foule au sujet du blocage et plusieurs personnes sont restées sur place ou sont parties séparément. Le plus gros contingent de la manif s’est engagé sur le boulevard René-Lévesque derrière les bannières, sans itinéraire, en direction du stationnement bloqué, afin de rejoindre l’action : les personnes manifestant contre la Meute, sous le regard des médias et de la police.

À Québec, en ce dimanche le 20 août, c’était un formidable rassemblement qui s’est continué durant de longues heures, près du stationnement. Un système de son amplifiait des slogans et des chansons, et le militant Jaggi Singh animait la foule juste aux portes de côté du complexe G. Ça ne pouvait bien sûr pas durer éternellement. Et au final, la Meute a fini par faire son défilé, sans aucune opposition, à 18 heures, alors qu’un grand nombre de protestataires était reparti. On peut se questionner sur la stratégie du blocage pour l’avenir, est-ce que c’était une vraie bonne idée ? Est-ce que ça a réussi ? Est-ce que ça va décourager ces gens de revenir manifester leur intolérance à l’avenir ? On peut aussi se questionner sur le déploiement policier, plutôt minime ce jour-là, et qui ne servait qu’à sécuriser le périmètre du complexe G, et à rien d’autre. On peut en conclure que leur seule mission était la protection du groupe enfermé dans le stationnement.

Bilan

Alors qu’à Boston et à Vancouver le nombre d’antiracistes a dépassé de beaucoup le nombre de racistes s’étant donné rendez-vous, à Québec, ce fut très différent. Puisque nous devons faire un bilan, il faut constater que si nous avions été bien plus nombreux, 8 000 au lieu de 800, à nous mobiliser contre le racisme, à montrer qu’à Québec cela nous tient à cœur, tout le monde aurait éprouvé un plus grand sentiment de sécurité.

Certes, ce n’était pas une manifestation parfaite, parce qu’une protestation parfaite, ça n’existe pas, surtout quand on doit faire une contre-manif pour s’opposer à un discours raciste. Si personne ne va se plaindre qu’un néonazi cherchant le trouble le trouve, il est bien dommage, par contre, que quelqu’un soit violemment pris à partie et blessé, simplement parce qu’il montre des opinions nationalistes. Ce n’était pas le fait de toute la manif antiraciste. L’homme blessé a quand même été secouru et soigné par des médics antiracistes et antifas.

À Québec, les groupes d’extrême-droite se multiplient, les chefs de plusieurs de ces groupes sont originaires de la région ou y habitent. Les violences, attaques et menaces haineuses contre la communauté musulmane de la région ne semblent pas connaître de cesse, alors que le service de police semble prendre tout cela avec un grain de sel, ou présente l’ensemble comme des accidents ou des gestes isolés.

Nouvelles arrestations

À l’heure de mettre sous presse, le 12 septembre, on apprend que deux jeunes de Québec ont été arrêtés et pourraient faire face à des accusations en lien avec la contre-manifestation antiraciste du 20 août. L’enquête se poursuit, dit le SPVQ.

Cependant, on peut se questionner en ce qui concerne les gestes, les menaces et même les crimes, comme un incendie volontaire, ou du tractage haineux qui continuent dans la région. Même si cela s’intensifie dans les derniers six mois, le service de police ne semble pas pressé dans ses enquêtes, quand il s’agit de l’extrême-droite. Un regroupement des forces démocratiques est plus que jamais nécessaire afin de faire la preuve que cette montée des forces racistes est inacceptable.

 

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