La Maison Hamel-Bruneau présentait ce printemps, Don Darby, L’homme et la matière, Rétrospective 1964-2015. L’occasion rêvée pour revisiter la vie et l’oeuvre du sculpteur. Enseignant au Cégep de Sainte-Foy pendant 26 ans, Don Darby a formé de nombreux jeunes artistes. Sa passion pour la sculpture l’a amené à manier l’acier avec une force créatrice hors du commun. Il a plusieurs sculptures publiques à son actif, dont Flic-Flac (1986-1987) devant l’Hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec. Avec des tubes en acier inoxydable, Flic-Flac matérialise le mouvement d’une gymnaste olympique.
L’homme, né à Montréal en 1937, a grandi à Baie-Comeau sur la Côte-Nord. Il a fait ses beaux-arts à Montréal et s’est très tôt passionné pour l’archéologie. Sa récente exposition a permis de découvrir sa version de l’Homme de Pékin (1989) et de la Femme de Pékin (1993). Oeuvre pivot, ce couple âgé de 780 000 ans a beaucoup inspiré Darby. À même le visage de ces deux personnages préhistoriques en acier soudé, il martèle comme sur une enclume des dizaines de masques dans divers métaux.
La rétrospective, signée par la commissaire Hélène Matte, dévoile aussi son abondant bestiaire. Rhinocéros, éléphants, fauves et primates aux regards profonds nous interpellent. Leurs expressions et leurs mouvements semblent surgis des étendues sauvages. La forme et les traits sont précis et délicats. Il les recrée de mémoire, après les avoir maintes fois dessinés. Il les assemble patiemment avec son pistolet MIG (Metal Inert Gas), qui n’a plus de secret pour lui.
Complice de la première heure de l’artiste peintre et sculpteur Louis Fortier (1947-2000), il contribuera par ses oeuvres et sa présence, aux côtés de Henry Saxe (1937), Irénée Lemieux (1931-2005) et de nombreux autres artistes, artisans et citoyens, à la réhabilitation de « Plywood city » du quartier Saint-Roch alors à l’abandon. Ainsi est né l’ Îlot Fleurie. Les résidents de Saint-Roch appelaient ainsi la rue Fleurie et ses alentours en raison des nombreuses maisons placardées de contreplaqué et vouées à la démolition. Initié par des femmes en 1991, ce mouvement populaire tiendra de nombreuses performances artistiques. L’Îlot Fleurie survivra pendant 16 ans et chemin faisant, devra déménager sous les sinistres bretelles de l’autoroute Dufferin-Montmorency, qu’il réussira grandement à humaniser avec un jardin de sculptures.
À la faveur de la nuit, pendant le Sommet des Amériques en 2001, plusieurs sculptures de bois de l’Îlot sont brûlées. Celles en acier, dont quelques-unes signées Darby seront finalement, pour plusieurs, jetées au dépotoir sur ordre de la Ville de Québec, pressée de dérouler le tapis rouge au Cirque du Soleil qui occupera les lieux pendant 5 ans.
À la bibliothèque Gabrielle-Roy de Québec, une sculpture mobile de Darby sera pillée également, vers 1995, pour la valeur de revente de l’acier inoxydable, évaluée à 200 $. N’empêche, plusieurs de ses œuvres enrichissent désormais des collections privées et publiques, notamment celle du Musée national des beaux-arts du Québec. Leur pérennité est assurée.
De plus, quelques sculptures subsistent dans Saint-Roch, au pied de la falaise et à l’est des bretelles. Elles témoignent discrètement de la fabuleuse aventure de l’Îlot Fleurie. Leur mise en valeur serait un juste hommage à ces pionniers avant que le poids des années ne vienne museler ces valeureux témoins. Pour le moment, elles sont maintenues en vie, à compte d’auteur.