Le mort de la côte

Par Francine Bordeleau
Publié le 28 septembre 2020
Druide Montréal, 2020, 372 pages.

Pour sa 19e enquête, Maud Graham, la plus célèbre détective de Québec, est aux prises avec des auteurs de crimes homophobes.

Gilbert Baril, homme rustre, frustré et lâche, est un sale type. Marié à Ginette, qu’il domine, et père de Franck, un ado de 15 ans qui intimide ses camarades d’école, cet ouvrier de la construction a aussi un frère aîné, Marc-Antoine, qu’il envie et déteste de toutes ses forces. Marc-Antoine travaille dans le secteur financier, il est riche, séduisant, il a réussi sa vie et envisage de se marier avec… Robin. Pour Gilbert, « dégoûté par [les] hosties de tapettes », c’en est trop!

Jérôme Tardieu, lui, est chirurgien orthopédiste. Marié à Evelyne Camiran, avocate talentueuse, et père de deux ados, Mina et Félix, il n’est guère plus sympathique que Baril. Macho de la pire espèce, infidèle notoire et sans doute coupable harceleur sexuel, le cher docteur ne supporte pas qu’une femme lui tienne tête. Alors quand Evelyne annonce son intention de divorcer, et quand par surcroît il découvre, grâce aux filatures de Baril, que son épouse est éprise d’une autre femme, Tardieu voit rouge. Le divorce? Evelyne peut toujours courir.

Crimes parfaits

La diffusion de L’inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train), film d’Alfred Hitchcock adapté d’un roman de Patricia Highsmith, agira à la manière d’un déclencheur. Tardieu et Baril procéderont comme dans ce film où deux hommes échangent leur crime. C’est ainsi que Marc-Antoine sera assassiné à Toronto pendant que le médecin s’y trouve pour un congrès. Au même moment, Evelyne sera tuée à Québec, mais faute de cadavre, le meurtre passe pour une disparition.

Mais voilà que Gilbert Baril meurt à son tour. Le lecteur connaît d’entrée de jeu l’assassin (nul autre que Tardieu), mais Maud Graham et ses fidèles équipiers sont en panne sèche. La police sait que le mort découvert côte Gilmour faisait des travaux de rénovation pour le médecin, mais là semblent s’arrêter les liens entre les deux hommes. Et pour tout dire, les indices sont plus que minces.

Enquête de longue haleine

Est-ce à cause des deux protagonistes masculins, grossiers et antipathiques à souhait, voire caricaturaux? Toujours est il que cette première partie du livre, qui s’étend sur 50 ou 60 pages, m’a semblé un peu poussive, un peu moins alerte que ce à quoi nous a habitués Chrystine Brouillet.

Passé ce cap toutefois, l’intrigue, qui court sur toute la décennie 2010, est menée tambour battant, avec une grande habileté, et s’avère fertile en rebondissements. D’autant que Franck semble bien décidé à poursuivre l’oeuvre de son père. La Vieille Capitale continue donc d’être la proie de crimes homophobes et xénophobes (Gilbert Baril détestait aussi les « étrangers »).

Et une fois de plus, par l’entremise de sa mélancolique héroïne Maud Graham, Chrystine Brouillet révèle les facettes les moins reluisantes de la ville de Québec. Derrière les décors familiers sourdent les marécages!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité