Opinion: Le négativisme de la gauche puritaine

Par Marc Boutin
Publié le 16 mars 2018

Rectitude politique oblige, j’aimerais bien participer au Festival contre le racisme, mais cette perspective ravive en moi trop de souvenirs amers. J’ai l’impression de faire partie d’une gauche engoncée dans un corset moral qui, tout à coup, me fait sentir coupable, peccable. C’est vrai que je suis « raciste ». J’espère qu’au festival il n’y aura pas juste des activités festives. Espérons qu’un ou une quelconque ayatollah sera là pour que je puisse me confesser. Ça n’a vraiment pas d’allure, la liste de ceux et celles qui me tombent sur les nerfs est trop longue. D’ailleurs, toutes les races (sauf « peut-être » la race humaine) me tombent sur les nerfs, surtout la mienne, celle qui a la couleur du bonhomme Carnaval. Comme Romain Rolland, je suis « raçophobe » tous azimuts.

Tout ça me rappelle, jadis, les rassemblements au stade municipal du Père Lelièvre. C’était de véritables festivals contre le péché. On se sentait vite coupable (on l’était) et on se précipitait au confessionnal (il y en avait des centaines). Quel soulagement! On en sortait tout lavé. Comme aujourd’hui avec le racisme, le monde faisait alors des rêves cochons et des péchés en cachette : moi le premier et à fond la caisse. D’ailleurs, je recommençais le lendemain et c’en était que plus jouissif parce que j’étais propre.

Bon, assez ergoté sur le passé, revenons au XXI siècle : le 20 août dernier, je me suis rendu Place d’Youville, à ce que je croyais une manif pro-immigration. Je suis tombé sur une manif anti-Meute, une manif où une fraction de la gauche s’est comportée de façon encore plus violente que le groupe qu’elle voulait contester. Depuis ce jour, la Meute jouit, contrairement à la gauche, d’une couverture médiatique enviable et je me pose des questions sur la pertinence des contre-manifestations, des contre festivals, des contre-carnavals, etc.

Être pour plutôt qu’être contre

Il me semble qu’à gauche, on devrait se concentrer sur des rassemblements pour quelque chose plutôt que toujours être contre. Notre ennemi juré, c’est beaucoup plus que la Meute, notre ennemi juré va bien au-delà de la droite politique, notre ennemi juré est le néolibéralisme. Pasolini l’a proclamé haut et fort, la société de consommation, le marché, est le vrai fascisme. Le marché capitaliste nous exploite globalement, localement, mondialement et se délecte de nos culs-de-sac individualistes où on s’empêtre, tant à gauche qu’à droite, dans des débats intersectionnels, des débats sur nos identités plus immédiates qu’elles soient sexuelles, religieuses, ethniques ou raciales.

Le néolibéralisme nous impose un projet social collectif, un projet atroce porté par les Labeaume, Trudeau et Couillard de ce monde, mais un projet quand même. Il est POUR quelque chose, pour une consommation à outrance qui élargit de façon illimité l’écart entre riches et pauvres et nous plonge dans une détresse écologique planétaire. Face à ce projet, il faut en proposer un autre. Sortir le mouvement populaire de son pratico-inerte négatif pour passer à une fusion révolutionnaire positive.

On ne peut pas demander aux partis politiques de gauche de faire la révolution collective; leur rôle est de résister le plus possible et c’est déjà beaucoup leur demander. C’est à la gauche, la gauche populaire et syndicale, celle qui se situe au-delà des partis et qui a entre ses mains un mouvement organisé, de proposer un projet de société libre et égalitaire, un projet collectif culturellement enraciné.

À quand un festival pro-peuple

S’opposer sur la place publique au racisme c’est devenir porteur du concept de race, un concept aussi flou que le péché, c’est lui donner trop d’importance. C’est par notre culture qu’on s’identifie au monde, qu’on participe à la diversité du monde, pas par notre race. Il me semble que notre négativisme ambiant accentue le désarroi de la gauche et, pour me sentir moins coupable, je propose de m’investir à partir de maintenant dans la recherche, pour la gauche, d’une vision positive de notre éventuelle révolution. Donc, à suivre.

Commentaires

  1. Ah maudit!
    Exactement ce sur quoi je ruminais après avoir lu « Pourquoi une autre manif contre le racisme »!
    Je ne vais pas m’étendre: lorsque je veux m’opposer, je construis une alternative.
    Merci Marc.

    Matthias

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