Grève dans les CPE, une lutte pour la qualité de l’éducation à la petite enfance

Par Geneviève Lévesque
Publié le 31 octobre 2017
Des travailleuses en CPE de la CSN enthousiastes malgré la pluie lors de la manifestation du 30 octobre. Photo: Geneviève Lévesque

Le lundi 30 octobre, environ 11 000 travailleuses dans plus de 400 CPE étaient en grève. Ces travailleuses sont membres de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Dans la région de Québec-Chaudière-Appalaches, un mandat pour six jours de grève, à utiliser au moment opportun, a été voté à 96%.

Louise Labrie, porte-parole du comité national de négociation des CPE de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), affirme : « On aimerait bien mieux travailler, être auprès des enfants, mais l’intransigeance du gouvernement nous force à exercer ce moyen de pression pour éviter une plus grande détérioration de nos conditions de travail et d’exercice, parce que c’est de ça qu’on parle: empêcher des reculs. »

Dans le milieu des CPE, en effet, les coupures se suivent et se ressemblent. Pour ne citer qu’une de ces mesures délétères, la modulation des tarifs en fonction du revenu, sous prétexte de ramener à un niveau plus égalitaire les dépenses encourues pour la garde des enfants dans des familles aux revenus divers, provoque en fait, par le biais des retours d’impôts pour les familles utilisatrices d’un service de garde privé, un glissement vers le système privé. Ce qui a pour effet d’affaiblir le réseau des CPE – un réseau créé par et pour les citoyens, puisque sa mise sur pied découle de luttes populaires datant de plusieurs décennies.

Après 30 mois de négociations avec le ministère de la Famille, plusieurs sujets sont encore en discussion dont les salaires, l’assurance collective, les disparités régionales et les pauses rémunérées. Mais il y a aussi les questions des éducatrices spécialisées requises auprès d’enfants ayant des difficultés particulières, des aide-éducatrices, des heures allouées à la préparation pédagogique, ainsi que de la place des travailleuses aux conseils d’administration et aux assemblées générales des CPE.

Ce dernier point remet en question une entente prise lors du Forum sur la gouvernance en Centre de la Petite Enfance organisé par le ministère de la Famille à l’automne 2014. Lors de ce forum, des parents administrateurs formaient 45% des participants. « D’après moi c’est ce qui fait la différence entre un CPE et une organisation privée, c’est que les parents et les éducatrices ont voix au chapitre sur le CA, et non pas juste une direction, remarque en entrevue Audrey Santerre-Crête, directrice de la Joujouthèque Basse-Ville, membre des Parents mobilisés pour les CPE et mère de deux enfants dont l’une en CPE. C’est presque juste une négociation négative, ajoute-t-elle. Les éducatrices travaillent dans le milieu de l’éducation avec nos enfants tous les jours, appuyer leur revendication est une question de respect pour leur expertise. »

Des parents en appui

Plusieurs parents marchaient aussi avec les travailleuses le matin du 30 octobre. Une maman nous explique pourquoi elle est présente avec ses deux plus jeunes enfants, malgré la pluie : « Je suis là pour les soutenir et leur dire merci surtout d’être là tous les jours pour nos enfants. Je les appuie dans leurs revendications pour avoir une meilleure qualité de vie. » Cette maman de 4 enfants a opté pour un CPE pour les deux plus jeunes, ce qui lui permet de profiter d’un peu de temps libre chaque semaine. Même son bébé de 5 mois en profite, nous dit-elle avec le sourire.

Un réseau à préserver

Le milieu des CPE est composé d’une forte majorité de femmes, constate Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches (CSN). Sans que cela explique entièrement la lenteur des négociations, on sait que la pression patronale est plus forte sur les milieux professionnels majoritairement féminins. C’est une donnée avec laquelle les travailleuses en CPE doivent composer.

Et ce n’est pas tant pour elles que pour le réseau dont elles font partie qu’elles luttent. Elle se battent bien pour empêcher la désagrégation du réseau des CPE, une désagrégation dont le gouvernement est responsable depuis plusieurs années – heureusement, elle est partiellement compensée par les efforts héroïques des travailleuses et des directrices des CPE. « Par leurs revendications, affirme Mme Gingras, ces travailleuses veulent clairement assurer un niveau de service adéquat ainsi que la pérennité du réseau des centres de la petite enfance, un réseau fiable et mondialement réputé dont s’est doté la population du Québec il y a vingt ans, dans le but d’assurer des services de garde éducatifs de qualité pour nos enfants. »

 

 

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