Poésie de sous-sol en émergence

Geneviève Lévesque
Publié le 14 avril 2017
Pascale Bérubé livre sa poésie dans un sous-sol du
centre-ville de Québec pendant le spectacle uNDeRGRouND.  Photo: Félix-Antoine Coutu

 

 

Le 24 mars dernier, dans un sous-sol du centre-ville de Québec, avait lieu la manifestation poétique uNDeRGRouND. Inscrite à la programmation du Mois de la poésie, cette soirée originale était organisée par le Tremplin d’actualisation de poésie (TAP) sous la direction générale et artistique d’André Marceau, secondé par Anthony Charbonneau Grenier. Elle a réuni huit poètes émergents de Québec, soit Pascale Bérubé, Anthony Charbonneau Grenier lui-même, Édouard de la Durantaye, Véronique Langlais, Thomas Langlois, Éric LeBlanc, Alix Paré-Vallerand et Arnaud Ruelens-Lepoutre.

Le spectacle a été créé à partir de l’idée d’émergence. Le but en est simple : «Vivre une expérience underground», comme l’affirme André Marceau en entrevue. Réunir plusieurs jeunes poètes, les faire créer ensemble des textes à partir du thème de l’émergence, et les mettre en situation de dire ces textes, avec d’autres inédits, dans un lieu où cette même idée d’émergence serait mise de l’avant, tel était le défi d’André Marceau et Anthony Charbonneau Grenier. Le projet s’est mis à prendre une forme concrète lorsque le Tremplin d’actualisation de poésie a reçu une subvention de la mesure Première Ovation pour le produire.

Concrètement underground

Les deux créateurs du spectacle se sont donné une seconde contrainte pour démarrer leur projet audacieux : réaliser une soirée de poésie in situ. André Marceau, un habitué de cette méthode, l’explique en introduction au spectacle : «Au lieu d’aménager l’espace comme une scène, on utilise l’espace avec les propriétés qu’il a». Bien que les organisateurs aient pris soin de mettre quelques rubans jaunes pour interdire l’accès à certains espaces moins sécuritaires, ils ont demandé aux spectateurs de prendre quelques précautions de base, comme de ne pas s’adosser aux murs, même si les clous et les vis ont été rendus inoffensifs à l’aide de styromousse.

La cinquantaine de spectateurs sont invités à entrer dans un long corridor. Mêlés au public, les poètes se mettent à déclamer l’un après l’autre des bouts de textes qu’André Marceau a réarrangés entre eux sous forme de collage. Les espaces se succèdent ensuite : un coin devant la porte d’un entrepôt évoquant un boudoir grâce à deux divans, une buanderie, un second corridor du fond duquel, de l’ombre, surgissent deux poètes qui se dirigent vers la lumière éclairant les spectateurs, un coin salon. C’est un véritable parcours labyrinthique que les spectateurs sont invités à faire, dans un sous-sol de béton aux dimensions caverneuses.

Des voix montantes

Thomas Langlois «plus tu t’essayes, plus tu descends». Photo: Félix-Antoine Coutu

Des voix sortent de l’ombre, montent des fondations, «jusqu’à plus soif» (Véronique Langlais).  Pour commencer, «plus tu t’essayes, plus tu descends» (Thomas Langlois). Jusqu’à l’ensevelissement de l’espèce humaine que raconte Arnaud Ruelens-Lepoutre ou l’ensevelissement… dans l’eau de sa baignoire qu’évoque Alix Paré-Vallerand. Puis, c’est la dénonciation: «Je vous ai vus, je vous vois toujours» (Anthony Charbonneau Grenier) et le combat: «J’ai écrasé les cafards sous tes paupières», dit Édouard de la Durantaye. L’écho de l’espace qui enferme et étouffe s’entend dans la chambre dont « on sent qu’elle n’existe pas, mais on reconnaît tout de même cette femme » (Alix Paré-Vallerand). Éric LeBlanc enlève ses talons hauts pour énoncer: «Je suis l’homme sans visage de demain. Fear me».

Le collage collectif du début sert aussi de texte de clôture, les poèmes ou bouts de poèmes prenant un tout autre sens après que le parcours ait été accompli. Les poètes – et leurs auditeurs – qui entameront bientôt leur remontée à l’air libre disent et entendent autrement ces textes. « Étouffées par nos tresses, bien assises dans nos jambes », martèle Pascale Bérubé. L’objectif est néanmoins d’arriver à « l’émergence d’une première bouffée » (Arnaud Ruelens-Lepoutre). L’émergence a effectivement été mise en œuvre d’une manière magistrale dans ce spectacle in situ du Tremplin d’actualisation de poésie.

Décidément, les scènes du Mois de la poésie, très différentes les unes des autres, montrent bien la diversité et la vitalité de la poésie à Québec. Une scène poétique qu’on peut suivre à l’année longue, d’ailleurs, à travers divers événements, et qu’on aura le plaisir de retrouver en formule concentrée, encore une fois, au mois de mars l’an prochain!

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