Dessins et desseins pour Québec

Publié le 3 février 2017
Le travail de Marc Boutin a été mis en valeur au Lieu avec l’exposition La ville affrontée.      Photo – Nathalie Côté

Par Francine Bordeleau

Figure de proue de l’engagement citoyen à Québec depuis les années 1970 et cofondateur de Droit de parole, l’architecte et géographe Marc Boutin est aussi un remarquable dessinateur.

Il était temps qu’une exposition mette en lumière l’ensemble de son œuvre. C’est pendant qu’elle pilotait le projet «Vies de quartier», présenté l’an dernier par la Maison de la littérature, qu’Hélène Matte, ci-devant commissaire de l’exposition, a visité l’atelier de Marc Boutin. Et fut séduite d’emblée. Dans les textes, maquettes, esquisses, toiles, dessins échelonnés sur quelques décennies, « elle a vu une cohérence que je n’avais jamais notée », dit le principal intéressé. Et l’a convaincu de la pertinence d’une exposition dont le centre en art actuel Le Lieu s’est fait l’hôte.

Ainsi est née La Ville affrontée (clin d’œil à La Communauté affrontée, un essai du philosophe français Jean-Luc Nancy publié en 2001), où s’entremêlent de façon judicieuse des articles publiés dans DDP, des plans d’architecte et, bien entendu, des dessins : ici une épicerie de la côte Sainte-Geneviève, aujourd’hui disparue, là une manif de Latinos sur fond de paysage bucolique (les abords de l’île d’Orléans), là encore, un restoroute de Saint-Tite-desCaps ou une ruelle du Vieux-Québec.

Toujours, c’est la vie qui bat. La vie dans l’espace, dans l’environnement physique; la vie humaine représentée à échelle d’humanité: une maison, un bout de la rue Richelieu et de ses façades… Et on ne peut qu’applaudir à l’accrochage réalisé par Hélène Matte, à cette riche idée d’avoir croisé articles politiques et œuvre peint, car ils se répondent. Les labeaumeries (et, avant elles, les lamontagneries, pelletiereries, andréeboucheries, etc.) et tous les projets urbains aberrants pourfendus dans DDP trouvent leur exacte contreproposition dans les dessins.

Ligne de force

Tout est politique, et a fortiori l’art, se plaît à rappeler, voire à marteler Marc Boutin. Cet indéfectible amoureux de Qué- bec, et surtout de ses quartiers centraux parce qu’ils en constituent la force vive, a vu la ville se lézarder à compter du milieu des années 1960. Il a choisi de résister, notamment par la pratique du journalisme.

Au regard de l’écriture journalistique, La Ville affrontée apparaît à la fois comme un impressionnant florilège et la vibrante illustration d’un parcours de vie. Une vie qui tout du long s’inscrit dans la lutte urbaine. Sur un plan plus strictement artistique, l’exposition révèle un peintre attentif aux détails, toujours évocateurs et signifiants, et doté d’un sens aigu de l’observation. Chez le Marc Boutin artiste, les «regards et jeux dans l’espace» (pour reprendre un titre du poète Hector de Saint-Denys Garneau) racontent une histoire, en quelque sorte : celle du réel. Son maître en peinture, c’est d’ailleurs Maurice Utrillo (1883-1955), peintre de paysages urbains, dont de nombreuses vues du quartier Montmartre. Et ultimement, La Ville affrontée, c’est le portrait et l’autoportrait, en mots et en images, d’une individualité qui dit, qui affirme sa présence au monde, sa conscience du monde.

Jusqu’au 5 février, au Lieu. 345, Dupont.

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