Uber vs taxis : un projet-pilote inéquitable

Publié le 20 octobre 2016
PHOTO - Lynda Forgues
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Par Lynda Forgues

Robert Poëti, à l’époque ministre des transports, disait que c’était impossible de rendre légale Uber, une compagnie condamnée pour fraude fiscale un peu partout en Europe; le PLQ lui a montré la porte. Trois ministres et deux ans plus tard, Laurent Lessard approuve le projet-pilote autorisant Uber à fonctionner au Québec et depuis le 14 octobre, le projet est devenu une réalité.

Nous avons rencontré Hicham Berouel, porte-parole de « La révolte des taxis contre l’injustice », pour faire le point sur la situation maintenant dans une impasse; les taxis ont même fait la grève et s’opposent toujours à ce règlement.

Projet-pilote

Qu’entend-on par projet-pilote au gouvernement du Québec ? C’est la « réalisation à petite échelle, effectuée à titre expérimental, en vue de vérifier les paramètres conceptuels d’un projet. »

En somme, c’est comme si le gouvernement prétendait tester durant un an avec Uber – une compagnie tout à fait illégale, n’ayant jamais payé ses impôts dans le passé —, un modèle de transport qui devrait ensuite être appliqué à grande échelle à tous les taxis. Selon M. Berouel, ce modèle ne pourra pas être généralisé à toute l’industrie du taxi : « Le gouvernement a en somme ouvert un nouveau régime parallèle exprès pour Uber, qui n’a pas besoin de permis pour fonctionner, qui n’a pas de limites de véhicules, tandis que le marché des taxis est contingenté. Les taxis, à Québec, c’est 600 permis maximum, à 200 000 $ par permis, et 1 200 chauffeurs ».

Uber et le Parti libéral

Le 4 octobre, c’était la première fois que le gouvernement acceptait de rencontrer des représentants de chauffeurs et propriétaires de taxis. Mais le ministre Lessard a prétendu qu’il n’était pas mandaté pour négocier avec ces personnes. Mais quand il s’agit de négocier avec les lobbyistes de Uber par contre, il a bien son mandat. Ce n’est pas étonnant cette amitié d’Uber avec le gouvernement libéral. Un des lobbyistes d’Uber, François Crête, est l’ancien chef de cabinet de la ministre libérale Line Beauchamp. Les avocats d’Uber sont de la firme McCarthy Tétrault, celle où travaille Jean Charest. Une courte recherche nous a permis de trouver cette savoureuse citation : « Jean Charest apporte une expertise inestimable aux clients du cabinet… » On le croit sans peine qu’un client comme Uber va profiter de l’expérience de l’ancien chef du parti libéral…

Dérèglementation néo-libérale

Qu’attendent les chauffeurs de taxis de leurs moyens de pression, qui ne comprennent jamais, bien sûr, un arrêt des services du transport adapté ? « La population devrait se rebeller contre ce qui arrive, c’est un scandale. Les chauffeurs de taxis ont été scandalisés par cette légalisation d’Uber, parce qu’eux, ils ont toujours suivi les règles, acheté des permis, payé leurs taxes, alors que Uber a fonctionné dans l’illégalité, est arrivée avec une appli qui permet à des automobilistes sans permis de taxis de prendre des passagers. » Et M. Hicham Berouel de poursuivre : « Si le gouvernement fait ça avec les taxis, dérèglementer, et que ça passe dans la population, ils vont essayer ça avec d’autres corps de métier. »

 Et maintenant ?

Les chauffeurs de taxis ne comptent pas lâcher et pensent à une escalade de moyens de pression : « C’est le fonds de pension des chauffeurs et propriétaires. On a tout mis là-dedans. Il faut comprendre : on est pour que Uber achète des permis de taxis, on est pour les applis numériques, on n’est pas contre un projetpilote, mais il faut qu’il soit équitable, que ce soit contingenté, comme les taxis, pas que Uber ait un traitement de faveur. » En ne rencontrant pas les représentants des chauffeurs et propriétaires de taxis, le gouvernement libéral refuse d’entendre des suggestions qu’ils ont à faire pour dénouer l’impasse. Quel message est-ce que le gouvernement Couillard envoie à la population ? Après tout, les chauffeurs ont suivi les règles et respecté le contrat : ils ont acheté des permis et souvent, ils les paient encore. Pendant ce temps, c’est une compagnie voyou qui est reçue dans l’antichambre ministérielle, et à qui on fait des cadeaux.

 

  • — Un chauffeur Uber n’a pas besoin de permis de taxi. Les chauffeurs de taxi, oui.
  • — Un chauffeur UberX choisit ses passagers. Il peut refuser de vous prendre. Un chauffeur de taxi ne peut refuser de prendre un passager.
  • — Chez Uber, il n’y a pas de prix fixe. Les prix varient selon l’offre et la demande. En taxi, les prix sont fixés par la loi. Chez Uber, en grande affluence, les prix explosent.
  • — Les chauffeurs UberX sont vérifiés par la compagnie Uber. Les chauffeurs de taxi le sont par la SAAQ

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