Affaire David Dulac : L’art contre le sensationnalisme des médias

Publié le 11 octobre 2013

Par Nathalie Côté

Julie Gagnon pendant sa performance au Lieu, le 2 octobre.

Il fallait être au Lieu le 2 octobre dernier. Alors que le centre d’artistes lançait le dernier numéro de la revue Inter, une publication relatant la dernière Rencontre internationale d’art performance de Québec, un nouveau site web, deux performances étaient fort attendues. Une partie de la communauté artistique y était et plusieurs médias aussi, parce que la présence de David Dulac était annoncée. Retour sur une soirée fébrile et politique.

Deux performances étaient prévues ce soir-là. Une prestation de Julie Gagnon, qui sera excellente, et une seconde de David Dulac, qui brillera par son absence. Le jeune artiste accusé au printemps dernier de menace de mort à la suite d’un malheureux projet artistique, présenté en vue de participer à l’exposition des finissants, a été emprisonné pendant quatre mois, avant même la tenue de son procès en juillet dernier*. Il s’est judicieusement désisté le 2 octobre, à la suite des conseils de ses professeurs, ses amies et son avocate, sa cause étant en appel.

Solidarité avec David Dulac

Cette soirée a été une démonstration de solidarité avec le jeune artiste. Julie Gagnon a réalisé une performance très efficace en dénonçant le sensationnalisme des médias, particulièrement celui du Journal de Québec, dans le traitement de l’histoire de son ami. La jeune femme est entrée dans l’espace de la galerie avec une cagoule sur la tête, pour ensuite couvrir les yeux de quelques spectateurs de bandeaux noirs, en leur disant : vous verrez ma performance demain dans les médias…

En buvant une bière avec une attitude désinvolte et en fumant une cigarette dont elle soufflait les volutes vers les spectateurs, l’artiste a écrit au mur : « L’homme raisonnable a dit : il ne faut pas faire une performance en état d’ébriété. L’homme raisonnable a dit : il ne faut pas mettre la sécurité du public en danger. L’homme raisonnable a dit qu’il ne faut pas voler le Journal de Québec. » Ensuite, elle lancera au sol des clous, de petits marteaux dorés et plusieurs exemplaires du Journal de Québec, dont nous clouerons les pages éparses au mur. Elle invitera ensuite le public à les défaire à l’aide d’une petite déchiqueteuse qui brisera rapidement. Spontanément, les spectateurs devenus acteurs déchireront les journaux de leurs mains. Banal ? Plutôt un moment émouvant et hautement politique sur la rue du Pont. L’artiste a terminé sa performance sur un ton ironique, en enfouissant les journaux en morceaux sous son chandail, les lèvres débordantes de rouge à lèvres, elle a dit : photographiez-moi maintenant, je souris.

Pour la liberté d’expression

L’art, et d’autant plus la performance, est le lieu par excellence de la liberté d’expression, de mise en scène à la frontière du réel. Cette performance de Julie Gagnon et la participation du public témoignent de la solidarité de la communauté artistique de Québec avec David Dulac dont le destin a été bouleversé. Une performance qui invite aussi à demeurer critique face au discours des médias de masse, pour ne pas parler de celui de CHOI, Radio X, qui a été, et est toujours, sans merci envers le jeune artiste. Heureusement qu’il y a des contre-discours. Comme le 2 octobre dernier au Lieu.

*Pour plus d’information sur le procès et la cause de l’artiste David Dulac lire le blogue de la revue Trahir.

 

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