Manoeuvres inquiétantes à l’Institut en santé mentale!

Publié le 15 mai 2013

 683796-institut-universitaire-sante-mentale-quebecpar Gilles Simard

« Au moins, j’aurai essayé d’empêcher la fermeture du Centre ! »

Mouvement de balancier prévisible ou nouvelle tendance irréversible et fort inquiétante, on assiste un peu partout au Québec, à une recentralisation en douce des effectifs en santé mentale.

S.B, 49 ans, utilisateur de services, journaliste communautaire et travailleur au Service Amical Basse-Ville, a tenté vaille que vaille, pendant des semaines, d’empêcher la fermeture définitive du CTC Benoit-XV, une ressource en santé mentale implantée dans le quartier Limoilou…

 


Mouvement de balancier prévisible ou nouvelle tendance irréversible et fort inquiétante, on assiste un peu partout au Québec, à une recentralisation en douce des effectifs en santé mentale.

Concernant le rapatriement des ressources mené en catimini dans la région de la Capitale-Nationale par l’Institut universitaire en santé mentale (Robert-Giffard), on serait en droit de se demander si, après les affres et les gaffes de la « désins », nous n’allons pas, cette fois, subir les dérapages dus aux avatars d’une certaine « réinstitutionnalisation ».  Ici force est d’admettre, compte tenu des sérieuses querelles idéologiques qui ont coloré l’histoire de la psychiatrie régionale ces dernières années, que rien ne nous préserve de certaines catastrophes d’un nouveau genre…

Il y a peu, on assistait à la fermeture officielle du CTC Benoît XV – un centre de traitement pour personnes psychotiques situé dans Limoilou –sous prétexte qu’il y avait dédoublement et vieillissement de clientèle et qu’on voulait rationaliser les effectifs et autres poncifs du genre. Résultat ? Les quelque cent personnes qui fréquentaient assidûment cette petite ressource de quartier devront possiblement – en cas de rechute grave ou de réhospitalisation – retourner dans la grande bâtisse froide et grise de l’Institut, ou bien ailleurs dans le réseau pour continuer d’avoir droit aux mêmes services. Je veux bien considérer qu’on a retapé l’intérieur de la vieille forteresse de Beauport, et qu’on a aménagé à grands frais un nouveau pavillon adjacent à la grande maison aux mille fenêtres (1) mais tout de même! Quelle est l’idée derrière tout ça ? Y a-t-il un agenda caché ? Pourquoi fermer une petite ressource qui, aux dires du personnel et des usagers marchait fort bien et cela depuis plus de vingt ans ?

Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette fermeture imposée par les autorités de l’Institut – sans aucune consultation en amont des usagers et du personnel – combinée aux rumeurs toujours persistantes de fermeture des Centres Le Faubourg St-Jean (troubles de personnalité) en Haute-Ville et Notre-Dame-des-Victoires (jeunes psychotiques) dans le Vieux-Québec, n’augure rien de bon pour les tenants d’un rétablissement-dans-la-communauté. D’autant plus que cette nouvelle manie de l’Institut, soit de rapatrier et recentraliser les ressources en fonction des nouvelles bébelles, va directement a contrario de tout ce qui se fait d’un peu progressiste à travers le monde.

Finalement, on serait en droit de se demander si les gens de l’Institut ne sont tout simplement pas morts de rire quand ils avancent le plus sérieusement du monde: «nous favorisons une gestion participative en misant sur une communication transparente réciproque, basée sur la confiance partagée. Notre mission est axée sur le rétablissement, l’autonomie et l’intégration sociale».

L’intégration sociale par le retour institutionnel et/ou l’éparpillement à diable Vauvert des usagers? Vraiment?!…

* * *

« Au moins, j’aurai essayé d’empêcher la fermeture du Centre ! »

S.B., 49 ans, utilisateur de services, journaliste communautaire et travailleur au Service Amical Basse-Ville, a tenté vaille que vaille, pendant des semaines, d’empêcher la fermeture définitive du CTC Benoit-XV, une ressource en santé mentale implantée dans le quartier Limoilou… À preuve, il a organisé deux réunions d’usagers, fait signer et déposé une pétition, écrit des articles et tenté d’alerter les gros médias. Hélas, faute de moyens et d’appuis adéquats du milieu communautaire, et un peu à bout de ressources lui-même, il a fini par baisser les bras quand il s’est rendu compte que les autorités concernées ne reculeraient pas dans leur décision de fermer la petite ressource qui avait déjà plus de vingt années d’existence.

« Au moins, j’aurai essayé! lance S.B.. Mais, que veux-tu, à un moment donné il y a des limites! Je n’étais pas non plus pour retomber malade avec ça ».  N’empêche, l’homme qui doit entre autres gérer un trouble de bipolarité, se dit très déçu de la décision de l’Institut.  « C’était un excellent point de services dit-il. Le personnel était fort chaleureux et il y avait un bel esprit dans la bâtisse. Moi je fréquentais cet endroit depuis le début des années 2000, et c’est certain que ça m’a sauvé de la « grosse hospitalisation » à Robert-Giffard ou ailleurs.

«D’ailleurs, poursuit S.B., presque tous ceux que je connais, les usagers, le personnel, les médecins, tout le monde est un peu choqué de la décision qu’on nous a imposé, et aussi de la façon dont ça s’est fait. Imagine, on a appris ça dans un petit communiqué laconique! Méchante consultation ! » ironise-t-il.

Enfin, sans être amer, le citoyen de la Haute-Ville se dit fort désappointé du peu d’appui concret des groupes de défense de droits et d’intérêts en santé mentale. « Cette fermeture-là a passé comme du beurre dans la poêle», jette-t-il avec une pointe de dépit. Je suis très déçu du peu de réaction d’Autopsy, de l’Apur, du Comité des Usagers de l’Institut et j’en passe. Venant des deux premiers, je me suis fait dire que ce n’était pas une histoire de droits, donc qu’on ne pouvait pas faire grand-chose… Mais alors, ça sert à quoi tout ça ? ».

Incidemment, au su et vu des éléments du dossier, et compte tenu du silence assourdissant des groupes concernés, on ne peut que faire écho à cette douloureuse question !

 

1) Mille fenêtres : titre du livre du Dr James Lambert, paru en 1995

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