La capitale anti manifs

Publié le 16 octobre 2014
Manifestation forcée par la police de marcher sur le trottoir, le 21 septembre. Photo: courtoisie
Manifestation forcée par la police de marcher sur le trottoir, le 21 septembre.
Photo: courtoisie

Par Lynda Forgues

Le 21 septembre, Stop Oléoduc Capitale-Nationale appelait à un rassemblement local devant l’Assemblée nationale, à l’occasion de la Marche mondiale pour le Climat. Le matin même, l’organisation a décidé de mettre en branle, après les discours, une courte marche jusqu’au ministère de l’Environnement; afin de respecter le règlement municipal en vigueur depuis juin 2012 à Québec, ils ont donc contacté la police afin de remettre leur itinéraire.

Quand l’organisation a demandé l’autorisation, on leur a répondu « qu’on n’avait pas les effectifs pour encadrer leur manifestation dans la rue », et pire encore, que « si une seule personne mettait le pied dans la rue, ce serait l’organisation qui aurait la contravention. » Bien sûr, les responsables ont donc veillé à ce que les participantEs ne contreviennent pas aux directives. Encore heureux que ce fut une courte marche, un long chapelet de centaines et centaines de marcheurs s’éternisant sur les trottoirs, ça ne peut aller bien loin. La police avait suffisamment d’auto-patrouilles pour bloquer les rues, comme on peut le voir sur la photo, mais c’était « insuffisant » pour escorter une vraie manif.

Des voix dénoncent

Dès le lendemain, la Ligue des droits et libertés section Québec, le REPAC et Stop- Oléoduc Capitale Nationale ont dénoncé par voie de communiqué « les restrictions abusives au droit de manifester et l’arbitraire exercé par les policiers de la Ville de Québec ».

« C’est scandaleux, le SPVQ utilise de faux prétextes pour intimider les organisatrices et organisateurs de manifestations. Il est très clair pour nous que le SPVQ cherche, par-là, à décourager les gens de manifester dans la rue. » a déclaré Vania Wright-Larin, porte-parole du RÉ- PAC 03-12. Depuis juin 2012, divers groupes et individus ont protesté contre ces nouveaux articles du Règlement sur la paix et le bon ordre brimant notamment le droit de manifester et s’en remettant à l’arbitraire policier. Les porte-paroles de la loi et l’ordre leur ont toujours dit : « vous n’avez qu’à demander l’autorisation ». Sous-entendu : on vous la donnera. On voit bien que ce n’est pas le cas.

Les chiffres de la police

Le service de police de la Ville de Québec, via Le Soleil, a donné sa propre position sur le sujet en déclarant que 308 rassemblements auraient eu lieu depuis l’entrée en vigueur de ce règlement, le 22 juin 2012. De quoi parle-t-on ici ? Quels rassemblements ? S’agit-il ici de tous les « événements spéciaux » nécessitant une autorisation ? Carnaval, festivals, cabane à sucre à Place d’Youville, etc. ? Ce ne sont sûrement pas 308 manifestations pour 800 journées, ou on se serait rendu compte que ça bougeait dans la capitale.

François Moisan, porte-parole au SPVQ, a le don de jouer avec les chiffres pour leur faire dire n’importe quoi. Il admet aussi avoir suggéré de changer l’itinéraire. Il affirme trouver « un trajet qui leur donnerait quand même une visibilité. » Quand même… La manifestation du 5 septembre dernier, qui a suivi la mort brutale de Guy Blouin sous les roues d’une autopatrouille, s’est terminée par 9 arrestations; faisaitelle partie des rassemblements « tolérés » par le SPVQ ? Rappelons que notre distingué chef de police, Michel Desgagné, a déjà conclu que ce cas était un accident, alors que l’enquête, menée par d’autres, n’est pas encore terminée. Quelle rigueur sous-tend un travail d’enquête lorsqu’on décide à l’avance de la conclusion qui en sera tirée ?

Conseil municipal

Au Conseil municipal du 6 octobre dernier, des citoyens ont relancé les élus à ce sujet. L’arrogance habituelle du maire Labeaume ne les a pas découragés. Un des citoyens présents a même questionné le premier magistrat sur sa méprisante attitude.

Quoiqu’il en soit, ce vain exercice a permis à la population d’avoir la confirmation, pour qui aurait eu des doutes, de la totale adéquation entre les partis municipaux au sujet du chef de police : le pouvoir est fier de Michel Desgagné. Et ledit chef est fier de sa manière de contrôler les foules, comme il l’a encore déclaré au Devoir, il y a quelques jours. « Sans raison autre que les préjugés, les actions de certains groupes — les jeunes, les marginaux — restent donc apparentées à des gestes criminels, et traitées comme tels », comme le soulignait Josée Boileau.

Labeaume a dû, tout de même, se résoudre à prétendre qu’il s’informerait au sujet de la manifestation du 21 septembre qui a été forcée de marcher sur le trottoir. Bien sûr, « il n’était au courant de rien ». Certains communiqués de presse ne se rendent pas jusqu’à la mairie.

Commentaires

  1. J’étais làm au conseil municipal du 6 octobre. On connait déjà Labeaume, MAIS MEME le chef de l’opposition a refusé de condamner l’attitude de la police !!!!

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