La poésie brûlante d’Edmé Étienne et une visite au spa avec Gab Paquet

Par Alexandre Dumont
Publié le 23 décembre 2019
Revue Milieu(x), 71 pages.

La revue Milieu(x) — Philosophie de terrain, paraît deux fois l’an. Rassemblant des textes de collaborateurs issus de différentes disciplines, elle propose des réflexions de fond sur des enjeux contemporains, donnant une tribune aux chercheurs et aux artistes. Existences numériques est le thème du cinquième numéro.

Hommage à Edmé Étienne

En survolant le dernier numéro de la revue Milieu(x), qui vient tout juste de paraître, je remarque une page qui contraste avec l’ensemble. Je la regarde longuement, stupéfait. On y voit un personnage hirsute et accroupi, au-dessus duquel on peut lire : « Jésus chie ». C’est un des dessins pleins de folie, de cruauté et d’humour du poète anarchiste chrétien Edmé Étienne, tragiquement décédé l’automne dernier. L’équipe éditoriale de Milieu(x) a décidé de lui rendre hommage en publiant trois de ses poèmes, mais aussi des témoignages poignants d’ami.e.s l’ayant côtoyé. Et contrairement à ce que je craignais, ce n’est pas plein de pathos, ce n’est pas lourd, ni sombre. À l’inverse, on sent dans les mots de Stéphanie Lapointe et d’Audrey Grech-Charron plein de douceur, de respect, ainsi qu’une complicité artistique manifeste. Dans un style viscéral, à l’instar du poète qui affirme « qu’il n’y aura d’abyssale / que notre chair1 », elles lui répondent :

J’apprendrai à ne plus tordre mon visage, à m’égorger les soldats de la gorge Je serai la lumière qui veille, sans vendredi, les éclipses qui t’assassinent dans l’amour de tous ceux qui t’aiment2 Il s’en écoule un pur sang brûlant comme le napalm Un homme Ruisselant de soleil Encore ébloui d’être né3 Outre la beauté de cet hommage, l’initiative permettra de faire connaître davantage les textes du poète et d’en laisser une trace plus pérenne, lui qui n’avait jamais publié ses florilèges qu’en les autoéditant; ils sont d’ailleurs aujourd’hui presque tous épuisés ou introuvables.

Au spa avec Gab Paquet

Je connais Gab Paquet depuis Crème glacée bois sauvage, dont le poster était affiché dans les anciens locaux de CKIA. Je l’ai vu en show à la Saint-Jean de Catherine et Sol, je l’ai vu faire la première partie de Michel Louvain au carré d’Youville. Chaque fois, je le trouve aussi désopilant que troublant, sans trop savoir où se trouve la frontière entre l’émulation du kitsch et la création artistique authentique, sans trop me demander quel petit démon peut bien le guider dans son processus créatif. La revue Milieu(x) propose dans son dernier numéro une entrevuefleuve avec le chanteur de charme emblématique de Québec, où il est question des liens entre la pratique artistique et le phénomène religieux, entre autres, et où l’artiste évoque autant d’anecdotes qui l’ont marqué que de penseurs qui le nourrissent. Mathieu Gagnon a interviewé Gab Paquet dans un spa de Stoneham, et la rencontre est absolument fascinante : on y découvre un créateur profondément conscient de sa démarche, animé par un puissant désir de comprendre son public et de communiquer avec lui, et qui se montre très critique de l’industrie culturelle. Une entrevue formidable où l’on passe de Tolstoï à Frank Zappa, de La Voix à Walter Benjamin, tout cela ponctué de photographies cocasses du chanteur, qui semble nous narguer tout autant que nous interroger.

1- Édmé Étienne, « La louage de la crapule », tiré d’Amour cardiaque, viandes hachées et autres tendresses, extrait in Milieu(x), numéro 5, 2019, p. 11. 2- Stéphanie Lapointe, Prière pour Edmé, in Milieu(x), numéro 5, 2019, p. 8. 3- Audrey Grech-Charron, La blessure amoureuse,

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