Henry Morgentaler : l’homme de la cause des femmes

Publié le 21 juin 2013
Photo du M. Morgentaler (barbu et souriant) faisant le signe des deux doigts levés (paix / victoire) devant une grande affiche colorée où on voit le symbole de la femme avec les mots No voice Women...
Photo-crédit: Tobin Grimshaw, The Ottawa Citizen (tiré du site o.canada)

– Francine Bordeleau

Né le 19 mars 1923 en Pologne, le Dr Henry Morgentaler est mort à Toronto le 29 mai dernier.  Indissociable de la lutte pour la décriminalisation de l’avortement, Henry Morgentaler demeurera à jamais associé, aussi, au mouvement féministe.  Survivant des camps de la mort, fait que remettent en question ses adversaires idéologiques, Henry Morgentaler arrive à Montréal en 1950 et y ouvre dans l’est, quelques années plus tard, une clinique de médecine familiale. Plutôt révolutionnaire, déjà, il pose des stérilets, fait des vasectomies, prescrit la pilule…

C’est en 1967 qu’il crée une première commotion. Sur la colline parlementaire, à Ottawa, il déclare au comité permanent de la Santé et du Bien-être social que « le fœtus, croyons-nous, n’est pas un être humain. C’est un être humain virtuel ». Bien des députés devaient en avaler leur dentier!

En 1969, le Dr Morgentaler abandonne la médecine familiale pour pratiquer des avortements à temps plein. S’ensuivront poursuites judiciaires, accusations, incarcérations et même, en 1992, un attentat à la bombe à sa clinique de Toronto. Les reportages qui ont suivi la mort du médecin ont eu le mérite de nous rappeler la virulence des attaques dont il fut l’objet. À cet égard, l’on se souviendra, encore, de la polémique qu’a suscitée le comité de sélection de l’Ordre du Canada en lui décernant cet honneur en 2005. Décision que le premier ministre Stephen Harper lui-même n’avait pas appréciée !

Tout le temps qu’elles ont été considérées comme illégales, les interruptions volontaires de grossesse n’étaient bien évidemment pas parmi les interventions couvertes par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Le camp pro-vie exploitera allégrement cet état de fait pour reprocher à Morgentaler de se faire de l’argent sur le corps des femmes. Malhonnêteté intellectuelle, quand tu nous tiens…

À la faveur d’un article publié dans Le Devoir du 30 mai, Arianne Émond, cofondatrice du magazine féministe La vie en rose et porte-parole, en 1976, du Comité pour l’avortement libre et gratuit, a remis les pendules à l’heure. Elle a évoqué ses « négociations » d’alors avec Henry Morgentaler, dont la mission n’était certes pas de financer des services qui auraient dû l’être par l’État : « […] un certain nombre de places à un prix minimum. Il s’était aussi engagé à prendre un certain nombre de femmes gratuitement ». On a vu pire exploitation du corps des femmes, n’est-il pas !

Henry Morgentaler appartient non seulement à l’histoire de ce qu’on a appelé le MLF (Mouvement de libération des femmes), mais aussi à l’Histoire tout court.

Théoriquement, l’avortement est, en Occident, un droit reconnu. Or on sait que pas plus loin que chez nos voisins états-uniens, ce « droit » ne cesse de faire l’objet de débats houleux ; et depuis 1992, les États n’ont cessé d’en réduire la portée, aidés en cela par une décision de la Cour suprême. En fait, selon le site AvortementAuCanada.ca, le Canada est « l’un des rares pays occidentaux qui n’a aucune restriction légale à l’avortement », en très grande partie, justement, grâce à Henry Morgentaler.

Mais ici même, le droit à l’avortement est régulièrement remis en question par des députés fédéraux conservateurs qui déposent des projets de loi dits « privés ». C’est encore arrivé durant la décennie 2010.

À ces députés et à leurs semblables, on ne saurait trop recommander les films Le temps de l’avant (Québec, Anne-Claire Poirier, 1975) et Une histoire de femmes (France, Claude Chabrol, 1988), entrecoupés, il va sans dire, de morceaux choisis du défunt groupe montréalais Me, Mom and Morgentaler.

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