Renauderie: Le chantier de construction

Publié le 13 novembre 2012

Par Renaud Pilotechantier-cons-22_8

On l’aura souvent fait remarquer, personne ne semble y travailler.  N’empêche, cet immeuble, ce quartier, cet aqueduc ont bel et bien été bâtis, et la seule pensée qu’une ville n’est finalement que la somme de tous ses chantiers de construction passés a de quoi scier en deux quiconque fait s’y attarder son imagination.  Au juste, qu’est-il advenu de cette tradition chez les briqueteurs de maçonner l’année de construction en haut des frontispices ?  Peut-être cela les laissaient-ils rêveurs eux aussi, retardant encore un peu plus une échéance déjà repoussée.

C’était pourtant sympathique. Oh, attendez ! Les entendez-vous marteau-piquer au loin en ce moment, suivi de cet élégant bruit de ferraille tombant sur le sol ? Ils doivent donc s’affairer à quelque chose, après tout… C’est qu’avec ces commissions, ces collusions, ces corruptions, bref, tous ces mots en c-ons qui régissent les chantiers de construction, je me suis mis cette année à porter attention à leur fonctionnement. D’abord on constate qu’ils se donnent de longs délais : « de mars à décembre » est-il écrit en bordure de chantier.

Ensuite, on s’aventure à suivre les détours proposés par une série de pancartes oranges qui ont été minutieusement placées, déplacées et replacées lors des mois de mars et d’avril, manœuvres essentielles et sans lesquelles les travaux n’ont hélas pas pu commencer.

Au mois de mai, ça s’active dans la joie : machinerie lourde, larges tuyaux de bétons, légions de conteneurs et cônes fluorescents jonchent désormais un sol de plus en plus profond tandis qu’en juin, on a affaire à un barouettage de garnotte digne des plus prestigieux carrés de sable. Juillet-août, ça ne sert à rien, sinon clôturer tout ça pour partir en vacances avec la famille (ou des amis de la famille) la conscience tranquille.

L’enthousiasme ne règne pas au retour cependant, septembre est pluvieux et les chenilles s’enlisent. Pendant que les patrons expliquent leurs méthodes de travail à la métropole, les ouvriers se sentent soudain moins concernés par les canalisations à installer.

L’argent détourné et dévoilé au grand jour leur a levé le cœur, si bien qu’en octobre, il n’y est plus et on constate que certains d’entre eux désertent le chantier, d’où cette flagrante absence de progression du projet de développement.

Il restera à voir si novembre et décembre sauront  rattraper le temps perdu pour achever l’édification dans les délais. Personnellement, j’ai bon espoir car il n’y a pas de hockey et les boys rechigneront moins à faire du temps supplémentaire. Au pire, on dépassera un peu pour permettre d’apposer « 2013 » comme touche finale en haut du chef-d’œuvre. 2012 a été une dure année pour les chantiers de constructions : on comprendrait qu’ils veuillent ainsi l’oublier.
Édition de novembre 2012 – Le blues du centre-ville

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