
Enguirlandé par des malvenus un peu plus tôt, à table, au café avec un café, je reprends :
– Ça veut dire quoi Doc, pauvres cons ?
– Ça veut dire que tu n’as pas la force que le
fric permet.
– Ça veut dire sans fric, tu es con ?
– Ça veut dire sans fric, t’as pas de pouvoir.
Doc a failli commander son rhum cubain habituel, ça le taquinait des babines à vue d’homme mais, il a opté pour un autre espresso.
– Tu es abstinent Doc ?
– Tu veux dire quoi ?
– Tu bois d’habitude ?
– Tu te trompes !
Un gars est entré et sorti du café, le ciel est passé couleur nuit et j’ai demandé un rhum pour moi.
– Nas drovia !
– Bah à ta santé aussi… j’en doute, mais bon.
Doc a semblé banal, froid et inaccessible. Une distance que je n’ai pas bien comprise. J’ai lampé mon rhum comme Doc et j’ai poursuivi :
– Je ne t’ai pas connu sans rhum ici, toi ?
– Qui t’as dit que je buvais du rhum ?
– C’est écrit partout !
– Mon auteur a écrit ça ?
– Moi, je ne peux pas boire, je suis une fiction accouchée d’un esprit rebelle dans ton quartier.
– Donc, je discute avec qui ?
– Tu te parles tout seul mon ami.
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J’étais pris dans un char entre deux mastodontes aux empattements aussi long qu’une guenille étirée par quatre bras de bout en long du boulevard Charest. D’ailleurs, le boulevard Charest, ça rend hommage auquel des Charest ? En tout cas, ici, les charrues n’étaient pas encore passées. Doc m’appelle :
– Zéphirin Charest, un curé qui a créé des couvents pour les enfants pauvres dans Saint-Roch au XIXe siècle.
– Doc, es-tu une i.a.?
– Mon auteur n’utilise pas l’i.a.
– Alors, tu savais pour Zéraphin Charest sans consulter les i.a. ?
– Zéphirin eh, oui.
Je me questionnais : est-ce le produit de sa mémoire, un souvenir ou une simple requête dans les Internet qui lui suggèrent des réponses aussi rapides ? Est-ce le fruit d’une mémoire incroyable ? Doc allait répondre aisément à ces questions :
– Je suis la mémoire.
Il a répondu aisément sans discuter de notion de « mémoire ».
– C-à-d, doc ?
– Je suis un nuage qui cumule des données pour toi.
– Dans les Internet, donc ?
– Tu te poses la question à toi-même !
Ébranlé, j’ai trouvé Doc suspect. Je suis allé cogner dans sa porte laitte d’un immeuble de pauvres dans le quartier de Zéraphin et il est apparu sapé comme un prince des temps jadis.
– Puis-je ? Me dit-il.
– C’est moi ?
– Un pauvre con.
– Tu es vulgaire ma foi.
– Chez toi, tout est vulgaire.
– Tu es pauvre et con.
– Quelle sentence !
Et il poursuit alors que je parle avec l’i.a. dans mon téléphone de la situation politique en Somalie.
– Pour être éclairé et brillant parmi d’autres, ça prend des moyens.
– Quels moyens…
– Du fric.
– Donc, on est pauvre con sans fric ?
– Voilà !
Je ruminais tandis que l’i.a. me résumait le roman de Sarkozy pendant ses 19 secondes de détentions. Et pis, j’ai eu cette pensée :Le confinement est mauvais pour tous. Un président en souffre une seconde et c’est un roman français. Pourtant, partout autour, je croise des gens confinés et bons. Des esprits libres, des écrivains, des actrices enrépétition, des danseurs du tonnerre, des chanteurs à plus soif, des architectes la tête occupée,des besogneux à la maison, des anarchistes, des communistes, des esprits libres, une horde deguerrier.e.s., révolutionnaires, debouts, dans une bruyante solitude qui demande un courage que l’argent ne peut pas acheter. Une force, venant des plus insoumis dans la rue jusqu’aux plus énervés dans un 2 ½.
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On peut se draper des plus beaux oripeaux, lorsque le vent se lève, encore sur les plus beaux tapis rouges, le superfétatoire disparaît.
– Doc ! – Oui
– E=MC2 ?
– L’énergie est égale à la masse multipliée pas la vitesse de la lumière au carré.
– Va chier.
– Je n’ai rien inventé
– C’est qui qui peut répondre à ça en 1 sec. ?
– Moi. – Je suis la mémoire, un combat en cas d’une panne de courant…