
Domingo Cisnéros était de passage au Salon du livre autochtone de Québec le 28 novembre dernier. L’artiste en arts visuels et auteur s’est entretenu avec Guy Sioui-Durand à la Maison de la littérature pour discuter de son recueil de nouvelles La Coyota. Il y raconte diverses aventures nord-américaines, du Mexique jusqu’au Québec.
« Ce n’est pas un livre pour les urbains, » dit-il, « c’est un livre pour les gens en région. » Belle façon de susciter encore plus l’intérêt du citadin, de la citadine… « Ce n’est pas baroque, pas littéraire. C’est d’une simplicité que tout le monde peut comprendre », prévient-il à propos de ses fictions. Ces nouvelles, d’une écriture limpide, sont une occasion de parler de la nature, de ses origines, du territoire québécois qu’il habite depuis son arrivée en 1968.
La nature est au cœur de son travail en arts visuels comme lorsqu’il prend la plume. L’artiste, connu dans le milieu de l’art contemporain pour ses sculptures et installations faites d’assemblages d’os et de peaux d’animaux, de bois, est un métis d’origine Tepehuanes, né à Monterrey au Mexique. Il a enseigné au Collègue Manitou à la Macaza dans les années 1970 dans le comté de Labelle dans les Laurentides. C’est là qu’il a formé des générations d’artistes autochtones. Il vit depuis vingt-cinq ans en Matawinie, dans Lanaudière. Ces récits, sont bien ancrés dans le territoire. Il est réjouissant de lire des histoires évoquant Mont-Laurier, Maniwaki ou Saint-Jean-de-Matta.
En 2016 il a publié La guerre des fleurs : Codex Férus, un recueil de manifestes à la défense de la nature accompagné de poèmes de son cru sur les plantes, les animaux, les pierres… « Je suis très critique de ce que l’on fait de notre société » affirme-t-il, en parlant de ces fictions. Dans un récit, de fortes pluies, un déluge, font disparaître villes et villages et il ne reste plus que le sommet des montagnes avec les habitants qui s’y sont réfugiés, tel qu’il l’a résumé à la Maison de la littérature. Ses récits parlent de son expérience de la vie en forêt, de chasseur, de pêcheur, mais pas que cela. Quelques récits parlent de son enfance et d’un boxeur qui lutte contre la corruption. Il se rappelle : « Quand j’étais jeune, j’étais grand et costaux, j’ai fait un peu de boxe. Ce qui me fascinait, c’est que la carrière de quelqu’un peut disparaître en quelques secondes. Mais, ce que je déteste le plus de la boxe, c’est la corruption… » Il en parle dans 12 très courts récits, 12 rounds.
Selon lui, la forêt boréale pourrait nous nourrir si on en connaissait davantage les secrets. « On peut sur vivre en mangeant du pollen », a-t-il rappelé évoquant la médecine chinoise. Ses fictions littéraires, des histoires de gars de bois, de bûcherons (avec plusieurs suspens en prime) sont en quelque sorte pour Domingo Cisnéros une manière de transmettre son amour de la forêt Laurentienne et valoriser sa protection, autant que la protection du monde animal dont l’urbanité nous a détaché. Avec la nouvelle éponyme La Coyota, il raconte l’histoire d’une femme qui réussit à passer la frontière mexicaine grâce à sa connaissance de la survie dans le désert ; un récit légendaire racontant la traversée du Mur avant l’utilisation du GPS.
En lisant ‘histoire d’un Mexicain qui fait du pain en Abitibi avec son amoureuse, on devine que l’auteur s’est inspiré de sa propre vie, des gens qui l’entoure, de ses rêves, d’histoires de village. Mais n’est-ce pas toujours cela la littérature ?