Nous n’avons plus de grand homme, mais des petits qui grenouillent et sautillent de droite et de gauche avec une sérénité dans l’incompétence qui force le respect.
– Pierre Desproges
Doc est entré avec fracas dans le café. Je veux dire, il a littéralement rencontré un sac de grain de 60kg livré tout juste devant le comptoir de notre estaminet préféré. La rue Couillard grouille de Japonais accostés au port depuis une heure, se trainent lourdement des jeunes devant la fatale et inéluctable contingence de la rentrée scolaire. Si le gris du ciel annonce l’automne, l’humeur de doc, sa texture, et le personnage coloré invité par Doc chez Éluard, son imprévisibilité.
J’eus la surprise de lire, dans un site Internet à potins de Beauport, un colistier mystère à venir chez Laminer Québec, un nouveau parti politique. Le candidat à la mairie de Québec ne prévoit pas de colistier, puisqu’il ne vise pas de mandat dans une éventuelle opposition à l’Hôtel de Ville. Étonnement et stupeur à cette lecture. Deux ou trois textos ont suffi à planifier une rencontre au sommet avec Doc et le non moins mystérieux candidat « fantôme » du parti Laminer Québec.
Le réseau informel de Doc, le bien nommé Courroie de transmission de la vérité du monde, une chambre d’écho débile, a permis à dégoter les coordonnées de ce fameux colistier. Sans attendre, Doc l’a sommé de se présenter chez Éluard sinon il ferait couler son nom et possible ment le parti de son patron.
Si Doc est entré avec fracas dans la poche de Café chez Éluard, sans doute les deux Legendario lampés à la mémoire de la résistance de la Basse-ville y sont pour beaucoup. Il s’est relevé d’un trait assuré, a replacé son pashmina et s’est pressé à la table avec la gueule sévère :
Dites-nous pourquoi votre Lamineur en chef n’a pas gardé le nom du parti original ? Blafard, con et surpris, il dit : Fier lamineur de Québec ?
Doc monte le ton d’un cran :
Oui, c’est ça ! Le FLQ !
Un peu embêté, il rétorque :
C’eut été un suicide politique. L’idée vient des enfants pianistes du chef, pour défense, ils n’ont pas de connaissance en histoire du Québec ; celle du maestro est, au plus, « curieuse ».
Furieux, Doc lance : On s’en moque du suicide politique, les électeurs doivent savoir que votre parti propose des camps de concentrations pénitentionnaires pour des…
Sans abris qui ont des droits dans la cité ? Notre position ne dérange pas les électeurs de Québec. Vous voulez dire, les auditeurs de radio à Québec ? Cet échange inutile et tendu, mêlé à quelques prises de bec, deux Legendario et une limonade, nous amène – enfin – au vif du sujet et à une révélation-choc !
Doc : Pourquoi tant de haine pour le transport en commun ? Pourquoi autant d’improvisations sur tous les thèmes municipaux qui trahissent une ignorance crasse de la chose, pire, un mépris. La politique municipale n’est pas un sous-genre politique ni une destination avant la retraite.
Doc enchaine : Vous avez trempé dans des dossiers douteux chez Croche, avez été mis sur le banc de touche pour vos manoeuvres louches chez Pretexte. Vous avez presque couté le siège de ministre à votre ami et maintenant, vous souhaitez recommencer vos magouilles à Québec ? Vous servez quel intérêt ? Car, votre proposition de laminage est d’un ridicule consommé. On dirait que vous avez construit votre programme électoral après avoir écouté une ou deux émissions de Radio Six. Tout contre les vélos, contre le Tramway, pour une meilleure gestion des fonds à l’hôtel de ville, plus de route, plus de stationnement, tout à droite go go ! Il s’agît à peu près du résumé synthèse d’une matinale tirée au hasard de la bande des sixtes.
Embêté, il renonce à continuer la discussion. Doc s’est montré frontal et peu conciliant. Alors qu’il quitte Éluard pour enjamber Couillard à reculons, Doc lui lance :
On remet ça bientôt !
À suivre…