En février 2025, le maire Marchand donnait « son go » à un projet immobilier comprenant une tour de 17 étages à l’îlot Dorchester, sans attendre la consultation publique. Quatre mois plus tard, le maire modifie le Plan particulier d’urbanisme existant pour autoriser la construction de cet ensemble massif, brisant ainsi le milieu de vie et le patrimoine du Côteau Sainte-Gene viève et de l’îlot des Tanneurs. Cela, même si près de 1800 personnes ont signé une pétition et queles deux conseils de quartier impliqués, Saint-Roch et Saint Jean-Baptiste, se sont prononcés contre la hauteur de cette tour.
Le 10 avril, lors de la consultation publique sur le sujet, il y avait plus de 200 personnes dans la salle et presque le même nombre en ligne. Des 27 citoyens ayant pris la parole, 24 étaient contre. C’est 90 %. En outre, 313 mémoires et commentaires écrits sur le projet ont été déposés. Selon la Ville, 231 seraient contre le projet (73,8 %), 64 pour (20,4 %) et 18 neutres (5,8 %). Sur les 41 mémoires, 30 sont contre (73,2 %), 10 pour (24,4 %) et 1 neutre (2,4 %). Il y a là une majorité claire contre le projet de tour et la modification du PPU. Pourtant la modification a été adoptée au Conseil municipal du 3 juin dernier. L’ensemble des mémoires n’était publié que le lendemain.
Ainsi, ni les citoyens, ni les médias ni l’opposition n’ont eu l’occasion de prendre connaissance de ce que pensaient les citoyens avant que les élus se prononcent. Peut-on être plus indifférent, plus méprisant envers le temps et l’effort consacré de bonne foi au processus de consultation par les citoyens ?
À cette même séance du conseil municipal du 3 juin, pour appuyer l’argument selon lequel les opinions au sujet du projet de Trudel Corporation pour l’îlot Dorchester étaient très variées, le maire a dit : « Il y a des centaines de gens qui ont communiqué avec nous. Ils ne sont pas nécessairement venus à la consultation, mais qui nous disaient : « il faut aller de l’avant… ».
Il y a là un aveu très clair du trafic d’influence auquel le maire a ouvert ses portes. Et du peu d’intérêt qu’il at tribuait à la consultation publique elle-même, mettant sur le même pied la démarche officielle, transparente et légitime entreprise par les citoyens et les opinions reçues à tous vents, en privé et en catimini (dont celles, on s’en doute, des entrepreneurs en immobilier). C’est d’ailleurs AtkinsRealis (ex SNC-Lavallin) qui se charge des relations publiques pour le promoteur dans cette affaire. Dans le contexte où l’influence des relations publiques est aussi peu balisée, on peut se demander qui sont ces « cen taines de personnes… ». C’est franchement inquiétant. C’est comme si un directeur d’élections disait qu’outre les votes exprimés dans l’urne, il avait connaissance de gens qui n’ont pas voté, mais qui ont une opi nion différente… et que cela justifiait de renverser le résultat officiel…
Les propos du maire sont non recevables. En amont de la consultation du 10 avril, où les gens se sont prononcés pour ou contre le projet de Trudel Corporation à l’Îlot Dorchester, il y avait le Plan particulier d’urbanisme convenu en 2017, longue ment négocié et décidé sur la base de principes désin téressés plutôt que sur les mérites plaidés d’un projet privé. Ce ne sont donc pas uniquement les participants à la consultation du 10 avril qui ont été bafoués, mais aussi tous ceux qui ont contribué, durant près de cinq ans, à l’établissement du PPU. Prétendre que les opi nions allaient dans tous les sens et qu’il fallait choisir – supposant ainsi exercer du « leadership » – , c’est nier l’existence d’une entente préexistante entre les parties prenantes. Ce manquement grossier aux conventions, peut être décrit par toute sorte d’appellations, mais ce n’est pas sûrement pas du leadership. Au contraire.