L’administration Marchand: Choisir son think tank

Par Hélène Matte
Publié le 13 juin 2025
Illustration: HM

« Il ne faut pas construire plus haut, il faut construire plus intelligemment » – Bertrand Lemoine, Archistorm #94

On a beau se dire qu’à cause de son attitude impérieuse et son mépris pour la démocratie participative, l’équipe Marchand perdra ses plumes à la prochaine élection, et que plutôt que poursuivre son envol, elle mordra la poussière, quelque chose ne changera pas : les fonctionnaires municipaux.

Lors de la conférence de presse du 21 mai, Marchand n’était pas seulement accompagné de Mme Boucher – responsable du logement et de la planification de l’aménagement du territoire –, mais aussi de Benoît Longchamps, au titre de Directeur de division Plani fication de l’aménagement et de l’environnement. Sur le Link In de monsieur, on peut lire qu’il « dirige les équipes de l’habitation, du développement de nou veaux quartiers, du design urbain, de l’architecture du paysage, de l’intelligence du marché immobilier, en plus de soutenir la réalisation des grands projets de développements immobiliers privés sur le territoire de la Ville ».

Ce non-élu, est-il un urbaniste ? Un architecte ? Un so ciologue ? Non. C’est un économiste. Il est au service de la Ville depuis 2019 après avoir œuvré, notamment, au Ministère des Finances et dans l’industrie minière. Sa spécialité ? La modélisation économique. L’objectif de l’étude qu’il a mené en tant qu’étudiant à l’Uni versité Laval (Les variables liées au développement socio-économique des municipalités québécoises : des outils pour accroître l’efficacité des programmes de transferts, 2009, disponible en ligne), est de rempla cer l’indice de développement socio-économique de Statistique Canada.

En somme, le mémoire de Longchamps vise à cerner des variables correspondant aux critères de sélection de programmes d’aide gouvernementale dédiés aux municipalités et ce, pour accroître l’efficacité. Cet analyste des impacts économiques, des diagnostics sectoriels, et des politiques publiques ; ce consultant désormais aux services de nos élus municipaux ; ce chercheur d’affiliations entre les données triées sur le volet et l’efficacité programma tique ; nous ne l’avons pas choisi et sommes pour ainsi dire, pognés avec.

On peut supposer qu’il y est pour quelque chose dans le fait que le maire se précipite pour construire, bondissant sur des projections démographiques mal fondées plutôt que de considérer les citoyens actuels, en méprisant le processus démocratique au nom de l’efficacité. Ce manipulateur de chiffre a beau être expert en son domaine, il n’a vraisemblablement pas dans ses compétences et ses intérêts la préservation des processus démocratiques, l’esthétique urbaine et le bien-être des citoyens. Le vivre ensemble n’est pas de son ressort non plus. L’échelle humaine n’est pas dans ses outils d’analyse… La population sera-t-elle dupe ?

Sous le couvert de lutte contre les crises, Longchamps contribue à une régression en matière d’aménage ment urbain. Ce déni des planifications établies lors de consultations citoyennes laborieuses ; cet affront aux règles de mises pour les patrimoines naturels et bâtis ; cela nous rappelle les erreurs des années 1960 et 1970.

Après Lamontagne qui a saboté la Colline parlemen taire, voici Marchand sous l’influence de Longchamps, qui défigure la ville et brime la parole citoyenne. En juin 2024, Longchamps donnait une conférence à l’Hôtel Plaza, à Québec, invité par BOMA (un important regroupement de propriétaires immobiliers). Sa conférence présentait le plan de mise en œuvre accélérée de la Vision de l’habitation ainsi que les nouveaux inci tatifs de la ville pour encourager l’innovation. Il était question de lutte aux changements climatiques et de construction de logements abordables.

On connaît la chanson : à l’Îlot Dorchester, Trudel a promu son pro jet en prétendant qu’il y avait des logements sociaux et des espaces verts ; cela a été démenti. L’écologie et le droit à l’habitation sont des critères primordiaux qui ne doivent pas être instrumentalisés en vue d’une acceptabilité sociale. S’ils ne sont que des arguments pour faire passer la pilule d’une croissance rapide à des fins économiques, ils sont l’objet d’un chantage éthique à la Trudel.

On peut s’attendre à une vague de propagande par laquelle l’écoblanchiment et l’abordabilité mensongère seront servis au menu express…

Certes, il y a urgence. Il y a urgence de déterminer les valeurs qui doivent motiver nos actions. La démo cratie est première. Malgré ses prétentions, l’admi nistration Marchand ne contribue pas à résorber la crise du logement, elle travaille de concert avec des promoteurs pour faire du profit sur le dos de la classe locataire. Certes, la Ville use du pouvoir que la loi et le gouvernement du Québec lui octroie. Néanmoins, puisque le gouvernement de la CAQ n’a besoin de per sonne pour prouver son incompétence et qu’il serait surprenant que la population lui pardonne l’ensemble de ses frasques, pourquoi se précipiter à sa suite ?

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