Le troisième lien : un pont comme plan B

Par Claude Bélanger, M. Arch., Ph. D. (Géographie urbaine)
Publié le 16 juin 2022
Illustration: Claude Bélanger

Deux importants projets d’infrastructures de transports sont présentement à l’étude dans la région de Québec : un tunnel sous-fluvial, qui relierait les centres de Québec et de Lévis, et un tramway qui serait construit dans les quartiers centraux de Québec. Au total, ces deux projets pourraient représenter une facture de quinze milliards

Dans le cas du tramway par exemple, on se demande pourquoi chambouler les quartiers centraux alors qu’on pourrait simplement poursuivre la modernisation des autobus qui, soit dit en passant, forment déjà un réseau structurant. Et, à la fin, on constate que la ville n’est pas assez grande pour héberger un deuxième moyen de transports collectif. Cela impose des pôles d’échange qui apparaissent superficiels et créent des ruptures de trajet qui pénalisent l’efficacité des parcours.

D’autres, plus cyniques, disent qu’il faut un tramway parce que les trois milliards sont disponibles : «Si on ne prend pas le magot, il s’en va à Montréal». De toute façon, nul doute que ce montant pourrait servir à l’électrification de notre réseau d’autobus et à l’amélioration de son accessibilité.

Dans le cas du troisième lien, on prend pour acquis qu’il devrait avoir la forme d’un tunnel à l’est. Les études comparatives d’avant-projet ne semblent pas avoir inclus la possibilité de construire un troisième pont, tout juste à l’ouest du pont Pierre-Laporte. Pourtant, si une chose est évidente, c’est que les problèmes de circulation dans la région sont surtout localisés dans le secteur des ponts. Et on peut penser que ni le tunnel, ni le tramway, ne vont contribuer à régler ce problème, du moins à court terme. Le secteur des ponts est un point névralgique sur le plan des transports : le pont de Québec est un lien ferroviaire important entre les deux rives, alors que le pont Pierre-Laporte doit desservir à lui seul toutes les autoroutes qui doivent traverser le fleuve à cet endroit. Cela comprend un important transport commercial qui provient de plusieurs régions, même des États-Unis.

C’est le contexte géographique du rétrécissement du fleuve qui a fait privilégier la construction des ponts à cet endroit. Quand, par comparaison, on examine la coupe de terrain du tunnel, il ressort que la longueur du tracé est conditionnée par la géographie, essentiellement par la largeur et la profondeur du fleuve à cet endroit. D’où une longueur de tunnel de 8,3 kilomètres, alors qu’on traverse le fleuve en seulement 1,5 kilomètres aux niveaux des ponts. Cette situation fait que le tunnel coûterait toujours cinq à six fois plus cher qu’un nouveau pont qui serait construit tout juste à l’ouest du pont Pierre-Laporte. Inévitablement, ce dernier projet présenterait des difficultés techniques, mais pas plus importantes que celles du tunnel. Comme on le voit, à lui seul l’avantage des coûts rend pertinente l’analyse d’un troisième pont comme plan B.

Le projet d’un troisième lien, aussi important par son coût et ses enjeux, mériterait donc une analyse comparative entre ces deux solutions, soit le tunnel, soit le pont. Parmi les critères, il y a l’inscription de chacun des projets dans la logique territoriale de la région. On le sait, la géographie conditionne toute l’implantation humaine dans la région, depuis les Premières Nations à l’embouchure de la rivière Saint-Charles, en passant par l’installation des Français à la Place Royale. L’histoire de notre région montre qu’à toutes les étapes du développement, même pour les autoroutes urbaines et l’implantation des banlieues, le paysage urbain a été construit par couches successives, en tenant compte des conditions géographiques, des implantations existantes, des réseaux viaires et des trames cadastrales sous-jacentes.

De cette manière, la localisation des ponts a défini des axes de développement importants qui continuent de croître aujourd’hui. C’est à prendre en considération car on s’inscrit, à cet endroit, dans une logique territoriale très forte, avec des contraintes qui exigeraient certes du doigté, mais pour un projet qui présenterait un beau défi sur le plan du développement. Le nouveau pont pourrait avoir six voies alors que le tunnel n’en aurait que quatre. Et les travaux de branchement au réseau existant seraient beaucoup plus simples, d’où un projet qui pourrait être cinq fois moins cher que le tunnel. Il restera à trouver le nom de ce nouveau pont!

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