Lettre ouverte: Imposition d’une nouvelle norme de nickel

Par Marcel Paré Citoyen de Maizerets
Publié le 24 février 2022
Manif contre la hausse de nickel, le 10 février. Photo: Stuart W. Edwards

À l’attention du Dr André Dontigny,                                                                                                        Directeur de la santé publique de la Capitale-Nationale

Docteur Dontigny,

L’actuel gouvernement du Québec veut imposer une nouvelle norme autorisant une concentration quotidienne de nickel dans l’air cinq fois plus élevée que celle actuellement autorisée, soit 70 nanogrammes/ m³ au lieu de 14 nanogrammes/m³. Le projet de règlement prétend ainsi s’ajuster pour des motifs de nature économique aux normes annuelles moyennes (20 ng/ m³) comparables à celles qu’on retrouve en Europe et en Ontario, mais supérieure aux cibles idéales pour la santé.

La présente est une démarche personnelle, à titre de citoyen de Maizerets, citoyen dubitatif des efforts et/ ou du peu de résultats obtenus de la part des autorités responsables afin de parvenir à corriger l’état sanitaire de mon milieu de vie.

J’ai été impliqué activement, depuis près de 15 ans, au conseil de quartier Maizerets (CQM). Je représente le CQM au Comité vigilance de gestion des matières résiduelles. Je participe également aux travaux de différents comités ou groupes de citoyens intéressés par les problématiques environnementales et sociales qui en découlent.

Je me permets une anecdote qui veut traduire le ressenti de résidents face à la santé publique. Il y a 10 ou 12 ans, avec un autre élu du CQM, je me suis rendu à la Santé publique afin d’alerter sur le piètre état sanitaire du milieu. J’ai voulu de façon imagée traduire notre réalité sanitaire découlant des impacts de la pollution: les multiples sources, le nombre de contaminants et la synergie potentielle entre ces différents éléments.

Le constat que je retiens de cette rencontre est l’inertie. Une image valant mille mots, l’impression qui m’en est restée est que… je suis allé souffler sur la montagne.

– Comment de simples citoyens pouvaient-ils déjà identifier cette réalité, vouloir en faire part aux responsables de la Santé publique et se retrouver devant une telle absence de résultat? – Comment la Santé publique pouvait-elle ignorer un tel état de fait?

– Comment la Santé publique peut-elle expliquer une telle passivité, une si grande absence de résultat? Sans vouloir jouer la carte du misérabilisme, une réalité sociale défavorable existe et force est de constater, comme si bien su l’exprimer notre poète-chansonnier Sylvain Lelièvre, « quand on est d’la basse-ville, on n’est pas d’la haute-ville».

Aurait-il été possible pour la Santé publique, dans tout autre quartier de la ville de :

– laisser un milieu de vie se détériorer à ce point?

– laisser opérer durant 40 ans un incinérateur hors normes, et ce, malgré les nombreuses et constantes alertes lancées par les résidents? Alors qu’au même moment, dans d’autres régions du Québec, on recommandait leur fermeture puisqu’on identifiait des risques environnementaux et sanitaires jugés trop importants;

– accepter sans aucune étude d’impact la vente de vapeur provenant de l’incinérateur au nouveau complexe hospitalier en appuyant la décision sur l’exigence du seul respect de l’application de normes technologiques (mesures auxquelles l’opérateur était contraint) et une vague recommandation de réduction d’impacts alors qu’il est reconnu qu’une norme technologique est différente d’une norme sanitaire. La littérature scientifique en établit nettement les différences; – accepter sans broncher l’implantation d’équipement industriel (méthaniseur), source potentielle d’émissions de nouveaux polluants : « les contaminants les plus couramment émis par les usines de bio méthanisation sont le monoxyde de carbone (CO2) (sic), les dioxydes de soufre (SO2), les oxydes de nitrogène (NOx), les COV non méthaniques (COVNM) et le formaldéhyde (CH2O) (Paolini et coll., 2018). Nonobstant les quantités émises, ces usines génèrent normalement une quantité appréciable de GES1 ».

Dans le milieu que je fréquente, la confiance envers la Santé publique est actuellement à son plus bas. Je peux en témoigner, pour avoir tenté à plus d’une occasion d’amener des acteurs sociaux à interpeler ou à faire des représentations auprès de la Santé publique sur des problématiques vécues et m’être à titre d’exemple fait répondre : « je n’ai plus confiance en la Santé publique, cela ne sert à rien ».

Vous avez une décision à formuler qui je l’espère sera basée :

– sur la Loi sur la Santé publique : « La présente loi a pour objet la protection de la santé de la population et la mise en place de conditions favorables au maintien et à l’amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population en général2 »;

– sur votre rôle de médecin afin que la vie citoyenne prime sur des considérations de nature économique; – sur le principe de précaution qui doit prévaloir dans un milieu si lourdement impacté. Il est nécessaire que vous vous engagiez à contrer ces menaces de nouvelles agressions de nature chimique et les risques à la santé de la population qui en découlent;

C’est pourquoi, Docteur Dontigny, j’escompte que la Santé publique va faire fi des voies d’évitement auxquelles elle nous a habitués et qu’elle va se prononcer fermement contre les intentions exprimées du rehaussement des normes d’émissions de nickel dans un milieu si lourdement impacté.

1 Source : AMÉNAGEMENT D’UN QUAI EN EAU PROFONDE – PROJET LAURENTIA DOCUMENT DE RÉPONSES À LA DEUXIÈME SÉRIE DE QUESTIONS DE L’AÉIC – AOÛT 2020 VERSION FINALE p2-232

2 Idem

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