Du respect des influences

Par Michael Lachance
Publié le 22 février 2022
Québec. Photo: DDP

“Seul celui qui a des idées personnelles est capable de rendre hommage aux idées d’autrui. Seul mérite un hommage celui qui est capable de rendre hommage à autrui.”

– Arnold Schoenberg

 

 

 

 

Hier, ce ciel grisouillâtre a éternué sa chaleur alanguissante sur les bancs de gadoue devant chez nous. Sur la chaussée, ce matin, Le Lac de Lamartine et La mer de Glace de Friedrich, claironnant en cœur : restes dont chez vous !

– Ça fait deux ans que je reste en d’dans !

Bref, j’ai soliloqué avec le trottoir et la neige, des personnages plus imposants dans ma vie qu’une horde mongole en quête de Vodka.

*

– Nas drovia Doc !
– Drovia !
– On se fait un tatar ce soir ?
– Tu as kidnappé Genghis Khan ?
– Épais…
– Tartare mon ami, TAR-TA-RE !
– Ahaha, à parler avec des personnages inanimés depuis si longtemps, j’en perds mon latin !
– Possible…
– Mais tartare et Tatar sont des mêmes eaux pénibles du Moyen-âge mon cher radié !
– Ah oui ?
– Ouais, au moyen-âge, un tatar – ou tartare, selon – un peuple nomade de Mongolie qui, lors de ses nombreux arrêts bouffes pendant sa conquête du monde, a trimballé sous la selle de son cheval des morceaux de viande qu’il a, au préalable, salés. Vidée de son sang, attendrie, la pièce de viande a été dessalée et ensuite coupée en petits morceaux fins et, surtout, crus pour le service.

– Tu dois me donner une conférence au sujet des conquêtes
tatarino-mongoles ?
– Il est bien de savoir d’où vient ce qu’on mange, non ?
– Perso, quand j’ai faim, je mange, sans me poser ces questions.
– Doc, tu sais que 20% des humains ont des gènes liés à Genghis Khân ?
– On se fait une bouffe ou non ?

**
Comme je peux désormais inviter une personne chez moi qui ne sois pas issue de l’utérus de ma mère, j’ai proposé à Doc une soirée thématique Éluard, or sans barista.

Doc a trainé notre liqueur préférée, ce fameux Legendario
cubain qui fait et défait nos soirées. Nous n’avions pas bu une
lampée qu’on a tambouriné dans ma porte.
Annamie Paul a fait une entrée fracassante :
– Non mais, vous z’êtes pas tanné de faire de l’appropriation culturelle ?

***

Doc a offert un verre de rhum cubain à Madame Paul. Elle a voulu du Canadian Club.

J’ai eu beau lui dire que c’était carrément mauvais, elle m’a dit le boire par « fierté canadienne! »

– Dites-moi, rhum Paul, si je vous donne à manger et boire uniquement des produits issus de la culture canadienne, sinon de la tarte aux baies de Saskatoon, je ne saurais pas quoi vous servir. En revanche, uniquement d’origine québécoise, vous mangeriez surtout de la poutine au sirop d’érable ! Bien sur, l’eau douce est présente, mais ce n’est pas d’origine culturelle… Annamie Paul s’est virée sur un 10 cennes Blue Chip canadien et a vivement claqué la porte derrière elle. Elle est venue comme elle est partie, en coup de vent.

Doc m’a dit : – Si on oublie tous les hommages que nous rendons consciemment ou inconsciemment à toutes les culture du monde, on risque de ne plus rien consommer bientôt. – En effet, toutes les cultures, c’est encore la même culture historique.

Une variation infinie d’histoires et de traditions apportées avec soi depuis la première soupe primitive de l’humanité!

– Nas drovia Doc !
– Zum Whol mon ami !
– Boé d’une traite !
– Igloo igloo igloo…

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