Vivre dans la nuit

Par Nathalie Côté
Publié le 29 octobre 2021
Illustration de Basse-ville blues. La Grande Hermine, un bar aujourd’hui disparue. Illustration: Marc Boutin (1942-2020).

À quelques jours du lancement du dernier livre Basse-ville blues, nous avons discuté avec l’auteur, Gilles Simard, de ce récit atypique qui trace un portrait de la prostitution dans les années 80 dans Saint-Roch. Entre roman, essai et autofiction, l’auteur nous amène dans un road-trip dans les rues de Québec.

En cherchant un titre pour cet article, la chanson Vivre dans la nuit du groupe Nuance m’est venue en tête. Ce n’est pas si étonnant : « C’est une chanson que j’ai fredonnée en écrivant le livre, nous confie Gilles Simard. Elle m’a marqué. Ça jouait continuellement chez Richard avec les chansons de Marjo, de Corbeau… Les filles de chez Richard, elles mettaient Vivre dans la nuit dans le juke-box. Mon livre, c’est un portrait des années 1983-1984. C’est le temps des juke-box, des cabines téléphoniques. On se ramassait tout le temps dans les bars… »

Ce récit d’un journaliste qui enquête sur la prostitution pour un reportage au journal Le Soleil, n’est pas totalement un essai, ni un roman : « C’est un gâteau à trois étages, résume l’auteur. Le premier étage, c’est l’histoire d’un journaliste alcoolique, narco-dépendant, fraîchement séparé, qui cherche un sens à sa vie ; le deuxième étage, c’est les femmes prostitués, la petite pègre, les chambreurs captifs de Saint-Roch ; le troisième étage, c’est carrément la ville de Québec des années 80, ses mystères, ses endroits disparus avec en toile de fond les voiliers de Québec 84 et la visite du Pape. » Un portrait à la fois social et intime.

Du resto Le petit bedon en passant par des tavernes aujourd’hui disparues comme Chez Richard, le Croissant d’or et autres bars louches de l’époque, on y rencontre une faune qui se démène, qui survit, qui flâne dans le Mail Saint-Roch. Le journaliste se liera d’amitié avec les prostituées et fréquentera les bars jusqu’à une descente aux enfers pendant laquelle il se fera faire les poches. «Je voulais montrer que ces gens étaient exposés à tous les dangers. Faire de la prostitution, c’est un peu comme jouer à la roulette russe.» Prostituées assassinées, batailles et autres périls parsèment le récit. Et le journaliste n’en sera pas exclu. «90% des éléments sont vrais. Le fil conducteur c’est l’enquête journalistique.» Le prouvent des reproductions des reportages publiés à la fin du livre.

Le langage est parfois très cru. Ce n’est pas un milieu de tout repos. « Ça jouait dur, les clients se faisaient appeler « les mottés ». Mais il n’y avait pas que ça. Après deux grosses bières, tu oublies tout… » Gilles Simard se défend d’avoir écrit un essai. « C’est une esquisse un peu naïve. Je voulais raconter comment ça se passait. Me rapprocher le plus possible de la vérité.»

Même s’il raconte la vie au milieu des années 1980 et qu’il parle beaucoup de ses propres dérives « d’âme en peine », parler de la prostitution n’est pas anodin. Comment se situe l’homme par rapport aux débats qui préoccupent le milieu depuis des années entre la légalisation et les abolitionnistes ? Il n’a pas voulu prendre position sur ce sujet. Mais plutôt apporter une contribution en parlant d’une époque révolue. En parlant aussi de gens qu’il défendait, qu’il connaissait.

Sa motivation profonde? « Laisser un legs social. Voici une peinture de cette époque-là. Ce temps des juke-box disparus.»

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