Nos archives ?! Une mine d’or inexploité, un trésor caché

Par Gilles Simard, ex-travailleur du communautaire
Publié le 18 juin 2021
Le chercheur en archives Simon-Olivier Gagnon mène un projet avec les radios communautaires CKIA, CKRL et Radio Wendat. Photo : Gilles Simard

Est-ce à cause du décès inattendu de mon vieil ami Marc Boutin et de l’inventaire de son immense œuvre (articles, dessins, etc.) qu’une amie commune technicienne a commencé à constituer ? Est-ce aussi parce que j’avance en âge et parce qu’ils sont de plus en plus nombreux ces visages familiers des années 70 à s’effacer tout doucement de notre portrait collectif ?

Toujours est-il que jamais le besoin de créer un Centre de documentation du communautaire (propre à Québec) ne m’est apparu aussi criant. Et jamais, ces documents visuels et sonores qui sont ensilés un peu partout et n’importe comment dans les groupes communautaires, ne m’ont autant fait l’effet d’une mine d’or inexploitée, une sorte de Saint-Graal-des-savoirs en dormance attentant patiemment d’être trouvé pour mieux nous servir.

N’est-ce pas que serait bien de pouvoir compter sur un Centre de documentation et d’archives accessibles et utilisables alors que s’amorcent des luttes aussi longues et pénibles que celles du 3ème lien, du projet Laurentia et de tout ce qui concerne la transition écologique en général ? Alors que les droits des citoyens-nes se voient menacés de toutes parts par un ogre néolibéral multiforme et viral dont les variables ont toujours une longueur d’avance sur nos luttes et nos résistances ?

Pour un centre de documentation

Cité dans la revue Argus, Bernard Vallée, fondateur du Centre de documentation populaire de Montréal (CDP), disait en 2008 : « Dans le communautaire, il y a peu de centres de documentation, mais il y a beaucoup de documents. Et, à cause du localisme dont souffre le milieu communautaire, ces documents ont très peu de diffusion. C’est de la courte vue. »

En attendant qu’on les trouve et les numérise, partout dorment des rapports, des périodiques, des journaux, des photos, des enregistrements sonores et visuels… Une véritable mine d’or inexploitée, vous dis-je !

Certes, nombre de groupes ont leurs propres centres de documentation (FRAPRU, groupes féministes, écolos, etc.) mais qui, à part quelques personnes aguerries, peut vraiment y avoir accès ? Pareil pour d’autres structures d’archives dont l’action est analogue à celle du communautaire et qui, même si elles fonctionnent de façon très dynamique (Archives Révolutionnaires, archives syndicales, féministes, etc.) ne touchent qu’un champ d’action limité.

De même, il y a eu toutes sortes d’initiatives, à Québec, au cours des derniers cinquante ans (Ciné-Vidéobec, Atelier d’images populaires, l’Autre Ville etc.) mais qui n’ont pas duré… De vaillantes tentatives aussi, comme celle de Jacques Laverdière et Ginette Rouleau (années 90) de mettre sur pied un Centre de documentation, mais dont il ne reste pas grand-chose aujourd’hui. Pourtant comme disait récemment dans le Devoir le chercheur universitaire Jean-Marc Larue: « Archiver est un acte grave majeur et tout sauf neutre. Et l’humanité peut compter sur plus de traces que jamais du temps qui passe. Mais si ces traces ne sont pas archivées, nous ne produisons que de l’oubli », concluait-il.

Une responsabilité collective

Parlant d’archives, il y aussi le Net et ses innombrables ramifications. « Mais, objectait Anne St-Cerny de Relais-Femmes – et la pandémie lui aura donné raison – beaucoup de gens n’y ont pas accès. En plus, cet outil n’offre pas de tri de l’information, pas de guide et pas de contact humain. Tandis qu’un centre de documentation a le mandat de trier, organiser… » *

Là-dessus, le chercheur en archives de Québec Simon-Olivier Gagnon rajoute : « Il faut que les permanents-es des groupes communautaires prennent la responsabilité de demander aux gens qui les précèdent s’ils ont produit des archives, et si ces documents-là sont accessibles. En outre, ajoutait ce boursier de la BAnQ – qui mène un projet de recherche avec trois stations de radio communautaire dont CKIA -, il ne faut pas juste constituer et gérer des archives ! Il faut aussi les cartographier, connaître leur trajectoire et savoir les mettre en scène, les interpréter ! »

Terminons en citant Sylvie Jochems (une ancienne militante de l’ADDS-QM devenue prof à l’UQAM) : « C’est un enjeu citoyen politique de maintenir des centres de documentation qui ne sont pas juste là pour archiver mais qui animent la production et la diffusion de connaissances et de savoir critiques ». *

Un centre de documentation donc ?!? Et pourquoi pas dans une « Maison du Communautaire » qui servirait, elle, de Centre d’interprétation des luttes urbaines et sociales à Québec ?

Comme disait ce bon vieux Jerry Boulet : « Qui se lèvera ?!? »

* Leclair, J. (2008). « La documentation en milieu communautaire au Québec : entre menaces et avancés », Documentation et bibliothèques, 54(2), p.159-163.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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