Gardons vivantes les terres des Sœurs de la Charité: activisme poïétique

Par Alain-Martin Richard
Publié le 6 novembre 2019
Hélène Matte et Michel Côté au Tam Tam café. Photo: DDP

Le 3 novembre dernier,  au Tam-Tam Café, une soixantaine de personnes assistaient à un événement poético-politique pour dénoncer le projet du Groupe Dallaire de construire un complexe immobilier sur ces terres agricoles. Organisé par Voix citoyenne[1], cet événement de résistance contre le dézonage du dernier garde-manger urbain à quelques kilomètres du centre-ville de  Québec se voulait un baume, sur les blessures causées par le développement sauvage.

Parmi les promoteurs immobiliers, insensibles à l’acceptation sociale, qui ont fait la une dans les dernières années, le Groupe Dallaire occupe le premier rang avec deux projets largement contestés : le Phare à l’entrée des ponts, et les Terres agricoles des sœurs de la Charité. Si le Phare semble pour l’instant avoir été mis au rancart, le second projet est toujours dans l’air.

La pause poétique de dimanche dernier proposait de poursuivre la lutte par d’autres moyens. Pour contrer les visions apocalyptiques que les callapsologues de tout poil ne cessent de jeter en pâturage aux médias, il y a cet appel à inventer de nouvelles mythologies.

Voici qu’une vingtaine de poètes et artistes se sont réunis dans un petit café pour célébrer par la parole et l’image la beauté du monde à préserver[2]. Après une mise en contexte de Monique Gagnon, porte-parole de Voix citoyenne, fer de lance de cette résistance contre la destruction de terres arables dans le périmètre urbain, le politique fait place au poétique.

Andrée Lévesque Sioui lors de sa prestation. Photo: Sarah Généreux

Dans un heureux dosage de science, d’histoire, d’actualité et de poésie, le force des mots nous invite au cœur des choses. Ce qui se nomme ici, c’est la célébration de la Terre-Mère avec les chants et poèmes d’Andrée Lévesque Sioui, l’odeur prégnante de la terre noire dans les mains du père Gadoury, l’appel du nord de Jean Désy, les poèmes d’Agnès Riverin dans les bois de St-Raymond. Mais c’est aussi l’humour d’Hélène Matte et son invitation directe à « Dallaire de faire de l’air ».

Et puis Alice Guéricolas-Gagné [3]  y présente son projet de création de nouveaux mythes autour de la jeune République insulaire de Saint-Jambe, créée suite à la montée des eaux de plus de trente mètres, alors que la Basse-ville a été complètement submergée. Une joyeuse fiction collective.

Peintures, sculptures, installations occupent la scène, l’une d’entre elles illustrant que le poids des métaux et de l’industrie pèse, hélas, plus lourd que la terre nourricière.

Deux perceptions du monde

Voici que la parole citoyenne s’oppose aux discours spécialisés des promoteurs et des politiciens gestionnaires de concepts trop souvent aux antipodes de la vie. Gardons vivantes… par l’art, la parole, la musique, nous convie à l’osmose de l’humain avec la nature.

De la beauté du monde à l’économie productive de nourriture, l’événement offre une autre vision du monde en contrepoids au capital indifférent à ses ravages.

Voix citoyenne a organisé un autre type d’opposition. Au-delà des manifestations, des études, des mémoires, des rencontres avec les intervenants, cette soirée en portant la voix poétique, se présentait comme une sorte de récompense pour les résistants.

À la vision utilitariste et capitaliste du monde, il fallait bien replacer l’art au centre de nos vies. En quelques heures, dans un café convivial, nous nous sommes raconté nos grandes et petites histoires, avons rappelé l’importance de notre proximité avec la nature et notre appartenance à l’environnement, refusant le béton et la désertification des sols et des esprits.

Il semble que le ministère des Affaires municipales ait compris le message des citoyens, puisqu’on apprenait le 5 novembre que la ministre Andrée Laforest a refusé le troisième schéma d’aménagement de la ville de Québec. Pour l’instant, les terres agricoles des Sœurs de la Charité sont toujours préservées.  À suivre.

[1]  Commissariat, Pierrette Paiemenrt.

[2]Au programme, poètes et artistes : Jacinthe Baribeau, Michel Côté, Jean Désy, Ève Duhaime, Monique Gagnon, Reynald Gadoury, Gaëlle Généreux, René Généreux, Alice Guéricolas-Gagné, Richard Joubert, Brigitte LaSalle, Roger Lauzon, Andrée Lévesque Sioui, Lucien Lisabelle, Germain Locas, Aline Martineau, Hélène Matte et Michel Côté, Normand Ménard, François Poulin, Agnès Riverin, Joëlle Tremblay, Lison Tremblay.

[3]Autrice du roman Saint-Jambe, gagnant du prix Robert-Cliche, 2018.

Commentaires

  1. Quel beau moment que cette manifestation poétique sur la scène du Tam Tam café. Tout dans l’événement, les mots, les sons, les espaces entre eux, l’écoute; tout redonnaient vie aux âmes endormis.

    Vive la terre, vive la vie.

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