Ceux qui auront 60 ans en 2020

Par Francine Bordeleau
Publié le 24 octobre 2019
Illustration : Yorick Godin

Le Québec, et plus particulièrement la région de la Capitale-nationale, serait en situation de pénurie de main-d’œuvre et donc, à toutes fins utiles, en situation de plein emploi. mythe ou réalité ? Restauration, commerce de détail, agriculture, enseignement, services de garde, PME manufacturières, voire fonction publique : tous les secteurs d’activité auraient besoin de personnel. À telle enseigne, par exemple, que les immigrants sont désormais bienvenus, et que divers groupes de population, dont les 55 ans ou plus, sont sollicités nommément par les donneurs d’ouvrage.

Misère humaine

De là à dire qu’il suffit de vouloir travailler… Sur le site d’Emploi- Québec, où foisonnent les offres de « défis stimulants », c’est peu ou prou le royaume de la djobinette. Horaires atypiques, temps partiel, bas salaires, lieux de travail difficilement accessibles en transport en commun font trop souvent partie des propositions, tout comme les virtuoses de la plonge, du télémarketing, de l’entretien ménager, de la vente et du service à la clientèle.

Nombre des emplois aujourd’hui disponibles étaient occupés traditionnellement par des étudiants. Or force est de constater que ces derniers, et, de façon globale, la génération des millénariaux, ne sont plus prêts à tout pour une paie. Disons, pour simplifier, que leur maîtrise des technologies a déterminé fortement leur rapport au monde et au marché du travail. Ils apparaissent volontiers comme indépendants et mobiles.

Pour simplifier derechef, les têtes grises ne sont pas dans le même cas. Les plus âgés des X, génération associée à la précarité professionnelle, ont maintenant la cinquantaine bien sonnée. Djobinette ou pas, ces abonnés aux contrats éphémères, ces laissés-pour-compte, auraient enfin leur chance, comme en témoignent les invitations aux 55 ans ou plus qui surplombent une panoplie d’offres d’emploi. Invitations qui ne sauraient passer pour factices, car juste lors de nos visites à l’épicerie, on voit bien que le personnel dit d’expérience est plus nombreux qu’avant.

X un jour…

Il y a fort à parier que ces effectifs ont en fait 60 ans ou plus. Pour la simple et bonne raison que les PME bénéficient d’un crédit d’impôt sur la masse salariale de cette catégorie de main-d’œuvre. Le crédit d’impôt se situe à 50 % pour les travailleurs âgés de 60 à 64 ans, jusqu’à concurrence de 1 250 $ par employé, et grimpe à 75 % pour les travailleurs de 65 ans ou plus. Et à compter de l’âge de 60 ans, les travailleurs peuvent gagner jusqu’à environ 28 000 $ par année avant de payer de l’impôt au Québec. Pour les employeurs, l’embauche de sexagénaires, voire de septuagénaires, s’avère avantageuse, donc. En revanche, ils n’ont aucun intérêt à se tourner vers les 55-59 ans, ces premiers- nés de la génération X, à la fois trop jeunes fiscalement parlant, et trop vieux pour le reste.

Trop vieux, même, pour avoir été courtisés durant la campagne électorale fédérale. Les partis politiques en ont promis à la classe moyenne, aux familles et aux aînés. Mais à l’évidence, les 55-59 ans ne sont ni une « clientèle » ni une catégorie. Ils sont entre deux âges, entre deux chaises.

Mais l’année 2019 tire à sa fin, et les tout premiers-nés de la génération X auront 60 ans en l’an 2020. Qui sait, ils bénéficieront peut-être, alors, de leur premier emploi à durée indéterminée, après une vie professionnelle faite de contrats à durée déterminée, et avant la petite chaise et le petit lit du CHSLD.

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