Troisième lien: quel enjeu?

Par Francine Bordeleau
Publié le 12 septembre 2018
Illustration: Paule Genest

Il faut croire qu’on a les promesses qu’on mérite. Le troisième lien routier Québec-Lévis est le cheval de bataille de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour la région de la Vieille-Capitale, le Pari libéral (PLQ) en fait aussi une priorité, tandis que le Parti québécois (PQ) attend le résultat des études de faisabilité avant de se prononcer. Seul Québec solidaire (QS) a manifesté son opposition au projet.

Mais comment un projet aussi exorbitant a-t-il fini par s’incruster dans la région? Le troisième lien engloutira quelques milliards de dollars, causera une hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et une amplification de l’empreinte carbone en raison de l’augmentation de la circulation automobile, et à terme, il n’atténuera en rien la congestion routière.

L’effet pervers de la construction d’autoroutes au nombre exponentiel de voies est bien connu. Ces axes à 10, 16, 20 voies sont censés garantir des déplacements rapides et fluides. Ce faisant, ils deviennent les parcours préférés des automobilistes en plus d’inciter à l’utilisation de la voiture. Et pourtant! Comme le disait en substance Catherine Dorion, la candidate de QS dans Taschereau, interrogée à propos du troisième lien sur les ondes de RDI le 7 septembre dernier, un automobiliste sur une autoroute est un être solitaire (seul dans son « habitacle »), malheureux, frustré, et enragé de se voir coincé dans les embouteillages et les bouchons.

Un être littéralement embouteillé et bouchonné, en somme, que seule une climatisation maximale peut sauver de la déprime, du désespoir ou de la rage au volant. Et Dieu sait qu’en cet été caniculaire, il en aura fallu, de la climatisation!

Le parti de l’autobus

Personne n’est contre la vertu. Aussi la CAQ, le PLQ et le PQ réitèrent-ils tous leur profession de foi envers le transport en commun. C’est oublier que pour une proportion non négligeable de Labeaumeville, le bus est devenu, sinon un luxe, du moins une dépense compressible. En clair, des personnes à faible revenu sont obligés de choisir entre la « mobilité » (le laissez-passer mensuel) et la nourriture, ou entre la mobilité et le loyer.

C’est à ce problème que s’attaque depuis 2012 le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ), né sous l’égide du Carrefour d’animation et de participation à un monde ouvert (CAPMO).

Le cheval de bataille du Collectif : la modulation, en fonction du revenu, du coût du fameux laissez- passer mensuel, gage, pour plusieurs, de mobilité, donc de liberté. Cela se fait un peu partout dans le monde, y compris au Canada, notamment à Calgary. En cette période électorale, le Collectif TRAAQ invite les citoyens à rappeler cette revendication à leurs candidats. Une telle mesure en faveur des personnes pauvres devrait aussi être mise en balance avec les coûts faramineux d’un troisième lien destiné à augmenter la mobilité de quelques-uns.

Le troisième lien, ou le choix de l’obsolescence programmée, de la courte vue et de l’irresponsabilité, à une heure où sur le plan environnemental, la planète se dirige vers sa 25e heure à la vitesse grand V.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité