Pétrolières, gazières et gouvernement complices

Par Nathalie Côté
Publié le 12 septembre 2018
La rivière York en Gaspésie près du camp de la Rivière contre la pétrolière Junex au printemps 2018. Photo: Alliance Mamo en construction.

Alors que les changements climatiques se font déjà sentir, les gouvernements persistent à vouloir développer les hydrocarbures, le pétrole et le gaz. Cela en dépit des Accords de Paris signés par 195 pays (dont le Canada) selon lequel nous devons urgemment diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Pendant ce temps, les citoyens s’organisent. La Fondation Coule pas chez nous dénonce le «gaz naturel» pas si naturel que ça, une énergie fossile polluante: «On trouve inconcevable que le gaz naturel soit considéré comme une énergie de transition, alors que 80% de ces ressources-là doivent rester dans le sous-sol. On arrive à une époque où il faut même cesser l’exploration» rappelle le co-porte-parole de la fondation, Martin Poirier.

Du gaz de schiste

L’industrie du gaz naturel tente de verdir son image alors que ce gaz naturel émet autant de GES que le pétrole. D’ailleurs, l’entreprise Gaz métro, qui s’appelle désormais Énergir, a adopté le slogan : «La vie en bleu». Martin Poirier explique : «L’industrie pétrolière essaie de nous faire croire qu’il y a du pétrole conventionnel au Québec. Ce dernier existe en quantités négligeables et le reste, c’est du pétrole et du gaz de schiste qui nécessitent une fracturation hydraulique, avec le cocktail de produits chimiques et une quantité d’eau dénoncés à maintes reprises par les citoyens et les environnementalistes, comme par les scientifiques.»

Des lobbyistes à Québec

Comme le rappelle l’écologiste,  «il y a plus de cinquante lobbyistes à Québec qui travaillent sur la question des hydrocarbures». Pas étonnant dans ce contexte que le réel pouvoir des États dans la protection de l’environnement soit souvent questionné. Le sociologue et altermondialiste français Jean Ziegler affirmait dans l’édition du 3 septembre dernier de Libération à propos des lobbies présents à Bruxelles : «Les lobbyistes ce sont des exécutants, des larbins. Les décisions sont prises par les oligarchies, c’est-à-dire des grandes banques ou des présidents de sociétés multinationales qui envoient ensuite des employés, des lobbyistes, pour imposer leurs points de vue et empêcher l’adoption de lois non conformes à leurs intérêts. » En est-il ainsi à Québec?

Le printemps dernier, les libéraux de Philippe Couillard ont adopté la première Loi sur les hydrocarbures au Québec. Lors de l’adoption des règlements de cette loi le 6 septembre, on apprenait que le ministre Pierre Moreau n’a pas totalement exclu l’exploration des hydrocarbures dans les cours d’eau du Québec. La Fondation Coule pas chez nous dénonce ce double discours du gouvernement qui d’un côté affirme ne pas autoriser l’exploration des hydrocarbures et de l’autre permet sa poursuite par des règlements et des subventions.

Une industrie subventionnée

«On est un des endroits au monde où on finance le plus l’exploration. Junex et Pétrolia sont allés au bout du plat de bonbons de Ressources Québec » dénonce Martin Poirier. L’étude d’Équiterre parue en mars 2018 en témoigne : «L’État québécois verse en moyenne 300 millions de dollars par année à la consommation et au développement des énergies fossiles. Depuis 2011, c’est environ 1,7 milliard de dollars qui a été versé en appui aux hydrocarbures. Sur sept ans, Équiterre a recensé «35 millions de dollars en subventions provenant du Fonds vert et destinées à favoriser l’utilisation des énergies fossiles, dont 30 millions pour étendre le réseau d’Énergir».

Ces subventions vont de congés de taxes dans l’achat de carburant pour les entreprises, à l’achat d’actions dans des compagnies (telle Junex), à la subvention directe comme celle de 30 millions octroyée à Gaz Métro (devenue Énergir) pour l’extension de son réseau de distribution de «gaz naturel». Selon Martin Poirier, les pétrolières sortiront des énergies fossiles quand les États vont cesser de les subventionner. «Quand il n’y aura plus de profit à faire, elles vont aller vers les énergies renouvelables. C’est déjà le cas : TransCanada, Endbridge ou Énergie de France ont déjà commencé à coloniser le vent», laisse tomber l’écologiste.

Écologistes et Autochtones pour l’environnement

Partout, les industriels et les gouvernements rencontrent sur leur chemin des citoyens et des gens des communautés autochtones qui protègent avec détermination l’environnement, l’eau, la terre, leurs milieux de vie. C’est la mobilisation citoyenne qui a réussi à faire stopper le projet de pipeline Énergie Est, celui de port pétrolier à Cacouna, le développement les gaz de schistes dans la vallée du Saint- Laurent. C’est aussi grâce à la mobilisation des citoyens et des Innus de la Côte-Nord que le projet de l’Île d’Anticosti a été abandonné. On pense également aux militants Micmacs de la Gaspésie, alliés avec les écologistes, qui ont maintenu pendant plusieurs mois le camp de la Rivière contre la pétrolière québécoise Junex (achetée depuis août par l’entreprise albertaine Cuda Energy). La mobilisation des écologistes et des autochtones engagés s’entrecroise. Martin Poirier : «On est 150, 200 groupes sur l’ensemble du Québec. La force de Coule pas chez nous, c’est que ce sont des groupes de différents milieux. C’est que j’appelle l’intelligence citoyenne».

 

Amazonie : les gardiens de la forêt

Conférence-discussion avec l’anthropologue Marie-Josée Béliveau sur les expériences d’Autochtones d’Amazonie qui tentent de protéger la forêt. Le 4 octobre à 19h30, à la Page Noire, 710, rue du Roi.

 

 

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