Pour qui le transport en commun ?

Par Francine Bordeleau
Publié le 25 octobre 2017

Élections municipales obligent, le transport en commun n’a jamais été autant sur la sellette que cette année. Le mot au goût du jour : mobilité, que les milieux militants font rimer avec accessibilité, voire avec gratuité.

Sur la rue Dorchester se dresse un panneau publicitaire affichant le slogan suivant : « Enfin une circulation fluide ! » Une pub du Réseau de Transport de la Capitale (RTC), peut-être ? Que nenni ! Elle vient d’un… fabricant de produits naturels !

Il est à peine moins surréaliste d’entendre, durant la campagne électorale, les professions de foi de Régis Labeaume envers le transport en commun et sa volonté d’en pallier les lacunes, principale raison, a-t-il répété ad nauseam, pour laquelle il briguait de nouveau les suffrages.

Mais voilà : le transport en commun ne semble pas jouer le même rôle pour tous. Les automobilistes sont incités à l’utiliser pour des motifs environnementaux (réduction des émissions de gaz à effet de serre) ou pour cause de congestion du réseau routier aux heures de pointe. Et, de fait, les nouveaux usagers potentiels sont intensément courtisés par un RTC en mal de rentabilité.

Le transport en commun est cependant, au premier chef, un service public essentiel. Et c’est dans cet esprit que la notion de mobilité, sur laquelle travaille un groupe comme le Carrefour d’animation et de participation à un monde ouvert (CAPMO) depuis 2012, prend tout son sens.

Sous l’égide du CAPMO est né le collectif Transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ) auquel participent le Group’Action Val-Bélair, le Chantier mobilité Sainte-Foy et le Centre des femmes de la Basse-Ville. Publiée, à l’automne 2016, l’Enquête conscientisante sur l’accessibilité sociale du transport en commun sur le territoire du Réseau de transport de la Capitale (RTC) De cette enquête est ressortie une conclusion sans appel : le coût du transport en commun participe à l’exclusion sociale.

Manque d’argent = pas de bus

Selon Emilie Frémont-Cloutier, animatrice du TRAAQ, « le transport en commun est un problème caché ». Un problème, oui, à cause de son coût : à 87,50 $ (tarif général), le laissez-passer mensuel constitue une dépense substantielle pour les personnes à faible revenu, dépense qui devient exorbitante pour les personnes à très faible revenu, dont les personnes assistées sociales. Des choix déchirants, de l’ordre bus ou épicerie, finissent par s’imposer.

Faute d’argent, une frange non négligeable des usagers en vient donc à troquer le laissez-passer mensuel pour des titres de transport à la pièce. Les déplacements et la fameuse « mobilité » s’en trouvent d’autant limités, d’où un quotidien compliqué. Des personnes ne peuvent se rendre dans les banques alimentaires, d’autres ratent des rendez-vous chez le médecin. Avant de tuer, la pauvreté immobilise.

« Le transport en commun est un enjeu central car quand on ne peut pas sortir de chez soi, on n’a accès à rien », insiste Mme Frémont-Cloutier.

La nécessaire accessibilité

Emilie Fremont-Cloutier lors de la manif du 22 octobre.                     Photo:Nathalie Côté

Arguant que le transport en commun est un service public essentiel, d’aucuns, dont le Collectif Subvercité, revendiquent la gratuité. « La gratuité du transport en commun est une mesure d’équité et de justice sociale. Plusieurs droits découlent de la mobilité, tels que le droit au logement, le droit à l’éducation, le droit à la santé et l’accès à l’emploi. Les transports en commun profitent surtout aux sans-emploi, aux gens à statut précaire et à bas salaire, aux étudiant-e-s et aux personnes à la retraite », peut-on lire sur le site du groupe (rtcgratuit.ca).

Le cheval de bataille du TRAAQ, c’est plutôt la tarification sociale, soit des tarifs modulés en fonction du revenu. « C’est ce qui nous semble la stratégie la plus réaliste à court et à moyen terme », fait valoir Emilie Frémont-Cloutier. Une telle mesure a déjà cours dans plusieurs villes un peu partout dans le monde, dont Calgary. Ici, les résidants qui ont un revenu annuel de 12 000 $ ou moins déboursent seulement 5 $ pour le laissez-passer mensuel.

À Québec, l’idée peine à trouver l’écoute des décideurs. « Le RTC utilise des expressions comme « marché de la mobilité », « liberté de choisir » : ce n’est pas un vocabulaire anodin », souligne l’animatrice du TRAAQ.

Ce vocabulaire RTC fait référence à un « cocktail » de transports. En somme pour le RTC, l’amélioration du service passe par une diversification de l’offre. C’est ainsi qu’en divers lieux stratégiques de la ville pourraient être mis en place des «pôles d’échanges intermodaux » réunissant bus, taxis, Communauto, Uber. Ce genre de proposition où se profile l’ombre des partenariats public-privé amène à se demander quelle partie de la population, au juste, bénéficierait d’éventuelles « améliorations ».

« La complexité du transport en commun, c’est qu’il est directement lié à l’aménagement de la ville. Chose sûre toutefois, il doit être pensé en fonction de la défavorisation, tranche Emilie Frémont-Cloutier. Liberté de choisir ? Mais quantité de personnes ne l’ont même pas, le choix. »

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