Qui comme Doc et Mendeleïev prend sa bière sur du ultramarr avec les penseurs socratiques

Par Michaël Lachance
Publié le 26 octobre 2017
Sans titre, 2017                                                                            Photo Katia Gosselin

Doc n’a pas prévu ce déluge d’enveloppes sur le pas de sa porte. Pété de fric, il a commandé une étude sur la malnutrition des aînés en CHLSD. La conclusion du rapport de la firme Cooke & Sasseville est sans équivoque : il faut condamner le sucre dans les cafés pour débloquer les artères en crise, cela a pour objectif d’amenuiser la charge horaire pour débouchonner la congestion en salle d’attente. Par le fait même, ces économies d’échelles serviront d’autres pontages coronariens afin de libérer les afflux sanguins. C’est une question de fluidité et de conséquence. Doc sait qu’il doit mener les combats un à la fois.

Il lui restait quelques dizaines de milliers de dollars de la collecte inopinée rendue possible grâce à un lectorat satrape et bourgeois. Dans la poursuite de sa bataille contre l’ivresse économique et le déclin de la pensée, il se mit en tête de faire fructifier son capital pour se présenter à la mairie de Québec. Doc a pris ses jambes à son coup et, dans un élan maniaque et irrationnel, s’est rendu à Place Fleurs Délices, dans ce qu’on nomme communément l’antichambre de la mort : le salon des jeux. Il ne fallut pas trente minutes à Doc pour tout flamber entre le bar et les machines à sous. À gros coups de mille dollars ici et là et d’un gros pourboire au barman pour la célérité de son service, il a tout perdu, comme à l’habitude des perdants, qui perdent pour tromper la mort et l’ennui. Il rentra au Cerfs-Flottant sans sou, mais avec la ferme intention de lever une nouvelle campagne de financement pour ses prétentions électorales.

« La parole est l’ombre de l’action. »

Doc a décidé d’emprunter à Démocrite1 cette citation et d’en faire son slogan électoral. Son parti se nomme Scandium Québec. Un hommage à peine voilé à Mendeleïev. Le scandium étant l’élément 21 du tableau périodique, il comptait sur ce lien pour évoquer les vingt et un districts électoraux de la ville de Québec. Cela dit, il n’entend pas présenter d’autres candidats que lui-même. Doc est un solitaire de peu de mots et de beaucoup de choses. Il fait un bon politicien.

Sa plate-forme de campagne est mince comme une feuille de papier coréen. Le seul dossier qui l’occupe est l’afflux sanguin chez les valétudinaires en maison de retraite. Il ne propose, ni plus ni moins, que d’occuper cette longue course à la mairie en promettant la construction d’un lien fluide entre l’Hôtel Dieu de Lévis et celui de l’Hôtel Dieu de Québec. Comme il le dit aux journalistes qu’il harcèle dans les réseaux sociaux : il est temps de se vouer au même Dieu dans la région. De fait, Il ne peut pas pointer le matin à deux endroits à la fois. Même s’il a le don d’ubiquité — théorique —, en pratique, je le vois mal simultanément dans deux blocs opératoires à la fois. Sans convaincre qui que ce soit, sa fièvre gagne en popularité dans la population cacochyme de Québec. Pour vendre cette idée, il a proposé un couloir Vieux-Port de Lévis et Beauport (Estimauville) en hyperloop souterrain. Il a d’ailleurs contacté Elon Musk pour lui demander une conférence sur le sujet à Québec. Or, Musk lui a répondu : « On ne demande pas des conférences à Musk, Musk demande les conférences ». Cela n’a pas fait changer d’idée Doc, même s’il essuyait un revers certain sur le plan des grosses pointures. Il a fait appel à Dieu comme colistier.

C’est là que tout part en vrille. Ses bondieuseries n’excitent que les égrotants. Chez les jeunes, dans la couronne nord, on dit de Doc qu’il est sénile et grabataire. Dans Sainte-Foy, on pense à un internement préventif. À Beauport, on dit que Robert Giffard existe justement pour ça. Dans Limoilou on doute de l’authenticité du délire chez Doc. Il n’y a que sur la rue Couillard qu’on donne encore une chance à ce bon vieux gaillard.

  1. Démocrite d’Abdère, né vers 460 av. J.-C. à Abdère et mort en 370 av. J.-C.

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