À quand une opposition qui marquerait des points?

Publié le 10 mars 2016

Par Pierre  Mouterde

Alors que le parti d’opposition municipale Démocratie Québec est à la recherche d’un nouveau chef, il n’a fallu qu’un sondage de plus pour que revienne sur la table, en ce début de 2016, la question que tout le monde se pose : quelle est la personnalité qui serait capable de battre le maire Labeaume aux prochaines élections municipales ? Et surtout, pourquoi l’opposition a-t-elle tant de peine à marquer des points contre lui, alors qu’il ne cesse de prendre des positions controversées, et que d’importants groupes d’opposants ressurgissent à chaque fois ? Qu’est-ce qui ne marche pas du côté de l’opposition ? Ne devrait-elle pas s’inspirer de ce qui s’est fait avec le Rassemblement Populaire dans le passé pour se renouveler et reprendre de la force ? C’est ce que nous essayons d’explorer dans ce dossier.

Il y a en effet de quoi s’interroger quand on apprend que, selon un sondage mené par Som pour le compte de Radio Canada en février dernier, ce serait le très conservateur Gérard Delteil avec 21% des appuis qui, parmi 5 personnalités appréhendées, l’emporterait et ferait figure de meilleur opposant à Régis Labeaume, se trouvant ainsi loin devant Nathalie Normandeau (17%), Marc Bellemare (14%), et surtout Anne Guérette (8%) ou Paul Shoiry (7%).

Au-delà même du fait que ni Anne Guérette, ni Paul Shoiry (actuels conseillers d’opposition avec Claude Bussières) ne dépassent les 10% (ce qui en dit long sur leur leadership actuel), ce qui est révélateur, ce sont les candidats qu’on a mis en compétition : toutes des personnalités de droite ou au mieux de centre. Comme s’il ne pouvait pas y avoir une figure oppositionnelle qui, pour rivaliser avec Labeaume, aurait des parti-pris clairement de gauche ou pour le moins une vision marquée par une perspective de centregauche appuyée ? Par exemple, comme auraient pu l’être des personnalités régionales très impliquées socialement comme Michel Gervais, ancien recteur de l’Université Laval, ou le professeur et mathématicien Jean-Marie De Koninck.

En effet, lorsqu’on y regarde de près, tous les choix les plus contestables ou discutables faits par Labeaume ces dernières années ressortent clairement d’une vision de droite, et plus encore d’une approche typiquement néolibérale, allant donc à l’encontre des valeurs de la gauche les plus élémentaires en tous les cas se distinguant radicalement de ce qu’à l’époque du maire l’Allier il se faisait à l’hôtel de ville de Québec.

Un maire ouvertement de droite
Caricature de Régis Labeaume faite par Mercader.
Caricature de Régis Labeaume faite par Mercader.

Il suffit de songer à l’anti-syndicalisme viscéral du maire actuel, à ses attaques en règle contre les caisses de retraite de ses employés, à ses investissements hasardeux dans un amphithéâtre pesant lourdement sur les finances publiques comme à ses passe-droits avec Québecor, à ses aplaventrismes devant les désiratas du Port de Québec, à sa gestion affairiste des services offerts par la ville (sur le mode de la sous-traitance), à ses parti-pris a-critiques en faveur des promoteurs immobiliers (Le Phare), à son peu de soucis des consultations citoyennes (pensez à sa gestion des ordures!), en somme à sa gestion autoritaire, autocratique même, et, plus souvent qu’autrement, méprisante et démagogique… sans parler de ses positions tonitruantes et totalement déplacées en faveur du pipeline Énergie Est de TransCanada..

Le tout, alors que des groupes d’opposants ne cessent de régulièrement ressurgir sur le terrain (à propos du Port de Québec, du Phare, du Centre Durocher, du plan directeur de Sainte-Foy, de la démolition de l’aréna de Sillery ou de Montmorency, etc.). Et alors que n’existe pas de véritable plan d’aménagement urbain pensé sur le long terme, et qu’il manque à la ville — chaque matin asphyxiée par les embouteillages et les ralentissements permanents — un véritable système de transport urbain collectif capable de répondre aux besoins grandissants de sa population tout en étant respectueux de l’environnement.

Divisions

Certes, ce n’est un secret pour personne : ce qui affaiblit l’actuelle opposition officielle incarnée par Démocratie Québec, ce sont les divisions qui la traversent et son incapacité à s’entendre sur une approche minimalement commune qui lui permettrait d’arriver unie lors du congrès d’investiture de décembre 2016. Et tout le monde connait les rivalités entre Anne Guérette et Paul Shoiry ainsi que leurs limites personnelles respectives.

Mais au-delà, c’est l’incapacité de Démocratie Québec à poursuivre l’effort entrepris lors des élections de 2013 et d’en tirer profit. Car l’effort d’unification, de clarification de leur programme et d’élargissement de ses appuis (à travers le recrutement de candidats de grande qualité) qui avait été mené lors de la campagne électorale de 2013, n’a pas été vraiment poursuivi ou approfondi depuis lors. Résultat : Démocratie Québec, malgré les moyens financiers non négligeables que lui donne son statut d’opposition officielle, malgré le fait qu’il avait réussi à obtenir quand même, près de 25% du vote populaire, se trouve sans véritable force ni grande légitimité. Comme si Démocratie Québec avait fini par faire le vide autour de lui et s’enfermer dans des débats d’alcoves!

Un second souffle

En fait, il manque à Démocratie Québec de trouver un second souffle, et pour ce faire, de savoir sans doute tenir mieux compte des leçons du passé, notamment celles qu’on pourrait tirer de l’expérience du Rassemblement Populaire. Car ce n’est pas du jour au lendemain que le RP a pu arriver à l’hôtel de ville en 1989. Il lui a fallu non seulement pouvoir trouver un « leader charismatique » conforme à ses aspirations, Monsieur l’Allier, mais aussi et surtout près de 17 ans de travail préparatoire sur le terrain, lui permettant non seulement de définir un programme concret lié étroitement aux besoins réels de la population, mais encore de se connecter avec le réseau vivant du mouvement populaire de l’époque (notamment le comité de citoyen de Saint Sauveur).

Et à l’heure actuelle, c’est sans doute ce qui manque le plus à Démocratie Québec, cette volonté de s’allier avec les divers groupes de citoyens et d’opposants qui se heurtent d’une manière ou d’une autre aux décisions du maire Labeaume. Car s’ils sont épars, ils n’en sont pas moins nombreux et l’expression vivante de tout ce qui pourrait changer dans la ville de Québec. En ce sens, Démocratie Québec doit oser se brancher, oser « prendre les bouchées doubles », oser aller enfin vers le monde, seule manière d’arriver à avoir des racines partout. Ce n’est qu’à ce prix que l’autocrate Labeaume pourra être mis en échec. Il ne reste plus qu’une dizaine de mois d’ici son congrès. Démocratie Québec saura-t-il l’entendre ? Dossier sur l’état de l’opposition au maire Labeaume

 

À quand des États généraux de tous les opposants au règne de Labeaume?

Pourquoi ne pas organiser, dans les mois qui viennent, des États généraux des groupes de citoyens et d’opposants au maire Labeaume ? Des États généraux qui permettraient de faire le point avec tous ceux et celles qui, dans les divers quartiers de la ville de Québec, résistent aux décisions autocratiques du maire et aspirent à une ville gérée radicalement autrement. On pourrait peut-être ainsi mieux connaître les réalités respectives des uns et des autres, puis définir quels seraient les grands axes d’un programme alternatif pour la ville qui rejoindraient les aspirations de tous et toutes. Les groupes de citoyens auraient tout à gagner à le faire puisqu’ainsi ils se donneraient les moyens de faire entendre une voix plus unie et, par conséquent, plus forte. Quant à Démocratie Québec, elle trouverait là le moyen de se rapprocher des divers comités de citoyens et d’opposants et de prendre la mesure de toute la force potentielle qu’ils peuvent représenter.

 

 

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