Compteurs intelligents : le débat n’est pas terminé

Publié le 4 février 2015
Avant :Compteur analogique et après : compteur intelligent (c'est à voir!)
Avant :Compteur analogique et après : compteur intelligent (c’est à voir!)

Par Charles Quimper

À l’automne 2011, Hydro-Québec implantait un projet-pilote impliquant des compteurs intelligents dans trois municipalités de la province, soit Boucherville, la MRC de Memphrémagog et dans le quartier Villeray à Montréal.

Les raisons alors évoquées par Hydro- Québec pour vendre un tel projet étaient l’économie d’emplois (pas de lecteurs de compteurs à payer), des relevés plus précis, plus justes, réels, au lieu d’estimations, ainsi qu’une économie de CO2 en réduisant les déplacements de la flotte de véhicules de l’entreprise d’État. « Un argument bien ridicule quand on y songe » dit Marie-Michelle Poisson du regroupement Refusons les compteurs.

Dans Villeray, suite à la parution d’un article dans un journal local, l’opposition s’est rapidement mise en marche. « Dans Villeray, 70 % des compteurs sont à l’intérieur. Les gens refusaient que les installateurs de compteurs intelligents entrent chez eux » relate Mme Poisson. Près de deux semaines après la parution de l’article et avec seulement 2/3 des compteurs installés, Hydro-Québec annulait le projet et pliait bagage.

Les compteurs intelligents permettent à Hydro-Québec d’obtenir une lecture environ toutes les 30 secondes, de couper et/ou de remettre le courant à distance chez un résidant sans avoir à déplacer un employé. Ces nouveaux compteurs trainent aussi dans leur sillage une nouvelle tarification, aux 30 jours plutôt qu’aux 60 jours, comme nous y étions habitués. Une nouvelle façon de faire que décrient les groupes d’opposants.

Augmentation de la facture

«Grâce aux compteurs de nouvelle génération, Hydro-Québec compte réduire la période de facturation de 60 à 30 jours et fera ainsi augmenter notre facture sans que notre consommation ait augmenté. Comment ? Les premiers 30 Kilowattheures consommés par jour sont facturés à 5.32 cent et le surplus à 7.51 cents. Sur 60 jours, ne détenant comme information qu’un total de kWh, le distributeur divise par 60 et, si la consommation est de 1800 ou moins, vous facture à 5.32 cents/kWh. Au début comme à la fin de la saison froide, la moyenne sur deux mois aide à faire passer les surplus attribuables au chauffage électrique du deuxième palier (7.51 cents) au premier (5.32 cents).

Or, en facturant au mois, la compagnie pourra soutirer plus d’argent aux ménages dont les systèmes de chauffage sont électriques», selon le site web de Refusons les Compteurs. L’analyste externe Jean-François Blain avait même déposé un mémoire en ce sens en octobre 2011 devant la Régie de l’énergie du Gouvernement du Québec.

Des ondes nocives pour la santé ?

Mais ce qui polarise les deux camps, ce qui divise les opposants et les sceptiques, c’est la quantité d’ondes émises par les nouveaux compteurs intelligents et l’impact de ces ondes sur la santé de la population. Voilà le véritable débat. « C’est comme la peur des fours à micro-ondes dans les années 1980 », confie une sceptique souhaitant conserver l’anonymat : « Les femmes enceintes croyaient que ça cuirait leur bébé » Comme le souligne madame Poisson : « L’électrosensibilité, les gens n’y croient pas. Jusqu’à ce qu’ils tombent malades ou que quelqu’un qu’ils connaissent tombe malade. »

Mais quels seraient les symptômes ? Selon des centaines de témoignages recueillis partout au Québec : trouble du sommeil et de l’appétit, perte d’audition, nausées, migraines, étourdissements, palpitations cardiaques, acouphènes, fatigue généralisée, troubles de concentration et de mémoire, saignements de nez, voire anxiété et dépression.

Les compteurs intelligents sont-ils plus dangereux pour la santé qu’un routeur wifi, qu’un téléphone cellulaire, que les pylônes d’Hydro-Québec ?

«La portée d’un Wifi résidentiel est en général d’une centaine de pieds sans obstacle. Un compteur intelligent a une portée de plus de 3 kilomètres sans obstacle. Il est donc bien plus puissant et il peut augmenter sa puissance d’émission, comme un cellulaire, si le signal passe mal (comme lorsqu’un compteur est au sous-sol d’une maison).

Un routeur wifi peut être éteint la nuit (une sage pratique pour donner une pause à notre organisme) ou utilisé uniquement au besoin; pas un compteur intelligent qui émet 24 heures sur 24 entre une fois aux 50 secondes environ pour les moins actifs jusqu’à 2 fois par seconde (190 000 fois par jour) pour les hyperactifs », selon Jean Hudon, fondateur et administrateur de la Coalition québécoise de lutte contre la pollution électromagnétique. Selon des documents obtenus par M. Hudon, un ordinateur dégagerait 1000 microwatts par mètre carré (W/m2), tandis qu’un compteur intelligent irait jusqu’à 65 000 W/ m2, selon le groupe de recherche Electric Power Research Institute, jusqu’à 55 000 W/ m2, selon le Centre de recherche industrielle du Québec et 49 000 W/m2 selon le rapport déposé devant la Régie de l’énergie par Stéphane Bélainski, technicien en hygiène électromagnétique.

« Mon routeur wifi est bien plus puissant qu’un compteur », dira un sceptique en voyant ces données. Mais ce que les sceptiques décrient le plus est le manque d’études probantes. En effet, contrairement au téléphone cellulaire et aux fours à micro-ondes pour reprendre cet exemple, peu d’études crédibles existent sur l’impact des compteurs intelligents sur la santé.

Par contre, un article du Devoir, paru le 24 mai 2012 titrait que les craintes concernant les compteurs intelligents étaient non fondées, selon 60 scientifiques. Un autre article du Devoir, daté du 19 mai 2012 informait que le Ministère de la Santé et des Services sociaux considérait ces compteurs comme étant sans danger. Les études sur l’électro-sensibilité, ou sur les compteurs intelligents manquent à l’appel : « Hydro-Québec est très fort pour faire taire la résistance, ils sont aussi très forts dans la désinformation », souligne toutefois Mme Poisson.

Une citoyenne toujours critique

Une citoyenne engagée, Marilene Julien, a carrément barricadé son compteur électrique à roulette. Il est désormais prisonnier d’une boite en bois munie d’un cadenas. « Va falloir qu’ils me passent sur le corps » dit-elle. Pour elle c’est un enjeu vital : « Quelques pays, tel que l’Allemagne, ont « l’intelligence » d’opter pour le principe de précaution. La Suède, l’Autriche et l’Allemagne reconnaissent que les pathologies attribuées aux ondes sont une véritable maladie. Je suis attristée de voir à quel point les gens sont insouciants et font confiance aux grosses compagnies lorsque ça concerne leur santé. » Elle poursuit : « le peuple commence tranquillement à se réveiller pour des raisons d’argent et non de santé. Malheureusement, un peuple sans santé, c’est bien pire qu’un peuple sans argent. Cela devient un peuple facile à manipuler, incapable de subvenir à ses besoins physiques, mentaux et spirituels, incapable de se propulser vers un avenir meilleur afin de construire une société meilleure. »

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