Guy Blouin, 48 ans, mort injustement et gratuitement

Publié le 15 septembre 2014

Par Gilles Simard

Sur cette photo du Parvis St-Roch, deux policiers de la Ville et un travailleur de la SPCA vérifient la condition physique du chien d’une jeune itinérante. L’opération a duré près de deux heures. L’auto-patrouille bloque entièrement le chemin piétonnier reliant la rue St-François à la rue St-Joseph Photo: Gilles Simard
Sur cette photo du Parvis St-Roch, deux policiers de la Ville et un travailleur de la SPCA vérifient la condition physique du chien d’une jeune itinérante. L’opération a duré près de deux heures. L’auto-patrouille bloque entièrement le chemin piétonnier reliant la rue St-François à la rue St-Joseph
Photo: Gilles Simard

Cette affaire d’un cycliste de St-Roch écrasé à mort par deux flics en autopatrouille, m’indigne, me révolte et m’écoeure profondément.  À croire qu’en sortant de la Centrale du parc Victoria, cette journée-là, les deux matamores en uniforme s’étaient donné comme mot d’ordre : « aujourd’hui on écrase du B.S. », avec dans les oreilles la trame sonore de Fais-moi peur Shériff !


Non mais, c’est proprement impensable. Imaginez : on recule à fond la caisse sur un pauvre mec qui roulait en sens contraire sur St-François Est (à côté de l’église St-Roch), on le heurte gravement, on passe dessus avec l’auto, on le maintient de force au sol et lui crie de sortir ses papiers (un baptistère avec ça?). Là, voyant le malheureux virer du blanc au gris et vomir du sang, on le fout dans une ambulance et le comble, après son départ, on prend bien soin d’effacer la scène de « l’accident » en fourrant sa bicyclette dans le coffre de l’autopatrouille. Pas beau, ça? Ç’est ça qu’on appelle « Protéger et servir »? C’est ça la transparence et l’art de procéder appris à l’école de police de Nicolet? C’est ça qu’on a retenu comme leçon de la répression gratuite des manifs de carrés rouges? C’est ça le côté distinctif de la relation citoyen-policier qu’on voudrait faire ressortir aux négos pour garder intact son petit régime de retraite?

Tout ça me tue

De fait, s’agissant d’un « marginal » qui tombe sous les balles ou qui est grillé par le Taser d’un policier, à chaque fois que j’entends parler de pareil drame, de pareil dérapage policier, c’est une partie de moi qu’on assassine un peu. Parce que ces gens-là, voyez-vous, ces itinérants-de-la-vie, prostituées, dealers, toxicos, poqué-es en tous genre, je les aime, je les respecte et c’est avec ces personnes-là que je travaille. Que ce soit en plein Parvis ou ailleurs dans les ruelles glauques ou les racoins sombres, à chaque fois qu’on en tue une de ces personnes-là, c’est mon rêve de mixité sociale et mon idéal d’un espace citoyen démocratique et inclusif qui s’effondre un peu plus.

À voir ce qui s’est passé sur la rue St-François Est, c’est comme si rien ne changeait jamais. Comme si rien ne voulait jamais changer. Comme si la culture de la bavure, du dérapage et de l’exception tolérés s’était insinuée jusqu’à devenir une « norme » acceptée et acceptable dans les institutions de police de ce pays. Comme si les policiers, à l’instar d’un certain type de politiciens et de gens d’affaires, ne devaient jamais être imputables de leurs actions. Comme si, d’une affaire Claudio Castagnetta (Québec) à une autre affaire Magloire ou Limoges (Montréal) on s’entêtait, chez les policiers, à ne jamais admettre ses torts et à toujours s’imaginer au-dessus des lois, sachant que advenant gaffes, bévues et boulettes, no matter, on sera blanchi par nos pairs. Comme les deux policiers impliqués dans l’affaire Blouin qui seront fort probablement réintégrés sous peu dans un autre secteur, après avoir été exonérés de tout blâme par les collègues de la S.Q. et, pourquoi pas, promus, décorés? Désespérant, vous-dis-je.

Un Bureau des enquêtes indépendantes

À moins, bien sûr, qu’on ait le courage social, chez les libéraux-au-pouvoir, d’adopter le projet de loi 12 du précédent gouvernement, lequel établit pour des situations similaires un Bureau des enquêtes indépendantes. Dans ce cas, il y aurait lieu d’espérer. Autrement, je souhaite de tout coeur que les nombreuses réalisations menées par les organismes du centre-ville de Québec (l’Engrenage, la Table de quartier, le comité de citoyens de St-Roch, etc.) pour établir un dialogue et un climat de confiance, n’auront servi seulement qu’à distraire la galerie et à donner bonne conscience aux promoteurs et aux propriétaires des alentours du Parvis.

Aussi, j’ose espérer, qu’à l’avenir, les policiers se garderont une petite gêne en matière de « cartage », de profilage, d’intimidation et de harcèlement en tous genres auprès de la population du centre-ville. Une retenue qui pourrait se traduire, entre autres, par le fait de cesser de jouer aux gros bras, demeurer courtois et polis avec les gens et ne plus faire monter d’autopatrouille sur l’emplacement du Parvis pour jouer à Rambo, GI Joe ou pour montrer leurs pantalons de camouflage de négos.

Quant à la Ville de Québec, Labeaume et sa garde rapprochée devront aussi rendre accessible la réglementation en matière de circulation dans les rues qui sillonnent le centre-ville de Québec. Actuellement, la situation est comparable à la Maison des fous d’Astérix, et personne, parmi les automobilistes, cyclistes et piétons, ne s’entend sur ce qui est faisable, acceptable, justifiable, légal, applicable, toléré, voire punissable d’amende en matière de circulation. Une tâche d’autant plus impérieuse que le chantier avoisinant la tour de 18 étages du centre-ville s’est mis en branle il y a peu. Méchant bordel en vue!

Quant à Guy Blouin, le malheureux cycliste décédé gratuitement et injustement ce mercredi-là, son « crime » était punissable d’une «grosse» contravention de 43$.
Mourir pour rien, vous-dis-je.

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