L'indépendance du Québec, mais pourquoi faire?

Publié le 31 mars 2014

Par Pierre Mouterde

Avec l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau au sein des troupes péquistes, la question de la souveraineté du Québec a brutalement fait son retour dans les débats de la campagne électorale 2014, à tel point que via la question d’un possible référendum, elle semble être devenue déterminante. Mais avant toute chose, ne faut-il pas savoir ce que l’indépendance pourrait apporter au peuple québécois et plus particulièrement à ses secteurs les moins nantis ? Au moins cela a le mérite d’être clair : du côté du PLQ et de la CAQ, opposants à un quelconque processus de souveraineté, il n’y a pas — frilosité oblige — de mystère en la matière. Monsieur Philippe Couillard, aspirant libéral au poste de premier ministre, nous a vite donné sa réponse. S’il concède à ses adversaires que le Québec pourrait « survivre » en étant indépendant, il n’en voit pas l’utilité en termes économiques, insistant avant tout sur l’instabilité qu’un tel statut alimenterait. Quant à François Legault de la CAQ, il songe d’abord et avant tout, aux 9 milliards de dollars que le gouvernement fédéral verse au Québec par le biais de la péréquation; milliards que selon ses propres calculs comptables, un Québec indépendant ne parviendrait pas à générer de lui-même.

On peut le noter et c’est le révélateur : ni l’un ni l’autre ne parviennent à échapper à des préoccupations purement et étroitement économiques, pensées sur le très court terme et teintées des seules aspirations entrepreneuriales des élites. Et ni l’un ni l’autre ne s’aventurent à reprendre à leur compte — ne serait-ce que minimalement — ces si fortes volontés d’affirmation nationale, économique, politique et culturelle qui pourtant, à l’instar des autres peuples d’Amérique, parcourent d’un fil rouge toute l’histoire du « peuple d’en bas » du Québec. Depuis la conquête !

L’indépendance comme peau de chagrin

Il est vrai que l’actuel parti au gouvernement, le Parti québécois, continue lui à se revendiquer de la souveraineté et à en faire apparemment l’élément central de son programme. Et il est vrai que pendant longtemps il a semblé être celui qui en portait le flambeau avec le plus de détermination.

Sauf que, depuis qu’il se trouve sous la gouverne de Pauline Marois, il n’a fait qu’accentuer le cours pris dans les années 80, en en réduisant la portée comme peau de chagrin. Songez à la volonté de Pauline Marois de ne pas s’engager lors d’un premier mandat à la tenue d’un référendum ! Ou alors à toutes ces contraintes acceptées a priori comme celle par exemple de garder la monnaie canadienne, se privant ainsi de tout levier économique indépendant ! Ou encore à l’intronisation de PKP, patron de choc anti-syndical présenté par le PQ comme l’homme providentiel qui nous permettrait enfin de « faire le pays » ! Impossible de ne pas ressortir avec cette impression que le PQ a vidé l’idée d’indépendance d’un véritable contenu populaire sans lequel elle ne veut plus rien dire. D’autant plus quand on répète, comme un mantra évacuant toute réflexion, que « l’indépendance n’est ni à gauche, ni à droite, mais en avant ! ».

Décider des lois auxquelles on veut obéir

Car c’est se méprendre sur l’essentiel. L’indépendance n’est pas qu’une affaire de drapeau, de passeport et de nouvelles frontières. C’est parce qu’un peuple veut en finir avec l’état de tutelle politique — reliquat des rapports coloniaux d’antan qu’on lui a imposés — qu’il aspire à décider des lois auxquelles il veut librement se soumettre, qu’il lutte donc pour l’indépendance et le droit à l’autodétermination. La souveraineté, c’est donc toujours une quête « d’autonomie », au sens fort du terme, c’est-à-dire une volonté de se donner à soi « sa propre loi ». Et cela, pas « pour le fun », mais d’abord pour disposer de « son propre gouvernement » et avoir ainsi mieux prise sur son destin et ses propres conditions d’existence.

Or à l’heure du « tout au marché néolibéral », à l’heure du tournant pétrolier, à l’heure des coupures, des hausses de taxe et de l’austérité promue par les élites; à l’heure où justement tant de décisions sont prises par une poignée d’experts et de grands lobbys (pensez aux derniers accords de libre-échange Canada/Europe!), cette exigence populaire reste plus que jamais d’actualité. Surtout si l’on croit en la démocratie prise au sens fort du terme, à cette idée d’un « pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple », au sein duquel « nul n’aurait le privilège de gouverner », ni les riches, ni les bien nés, ni les experts.

Car cette indépendance enfin conquise, c’est précisément à cela qu’elle devrait servir : permettre au peuple, non pas seulement de « décider d’avoir un pays », mais aussi et surtout de « décider du pays qu’il veut avoir » : pays d’égalité, de justice sociale, de respect de l’environnement, d’ouverture sur le monde et de reconnaissance de l’auto-détermination autochtone, comme le prône Québec solidaire ! Pourquoi, quand on appartient aux secteurs populaires, se choisirait-on un pays autrement ?

Mais il y a une condition à cela : que la question nationale soit d’ores et déjà dotée d’un contenu social et que le peuple — à commencer par ses secteurs les moins privilégiés — y soit étroitement associé. N’est-ce pas ainsi et seulement ainsi que l’indépendance pourra servir les intérêts de l’immense majorité des habitants du Québec ?

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