Nouvelle politique agricole au Québec: une souveraineté alimentaire pour qui?

Publié le 10 septembre 2013

110159521_oPar Laurence Morin*

Les AmiEs de la Terre de Québec reconnaissent certaines intentions louables du gouvernement présentées dans la nouvelle politique agricole. Nous sommes maintenant impatients que nous soient révélés les plans d’actions qui en découleront véritablement et que soient établis des moyens concrets pour la pérennité de l’agriculture au Québec.

D’importantes lacunes sont présentes dans cette nouvelle politique. Nous considérons inapproprié de la qualifier de politique de souveraineté alimentaire. Cinq ans après la publication du rapport Pronovost, qui visait une réforme considérable de l’agriculture québécoise, la nouvelle politique agricole en ignore malheureusement la vaste majorité des recommandations.

Nous nous devons de saluer les éléments suivants : l’orientation de la politique qui vise une réduction de l’utilisation des pesticides; l’intention du gouvernement d’intensifier la protection du territoire agricole en milieu urbain; son désir de mieux protéger les territoires agricoles face aux spéculateurs étrangers.

La nouvelle politique ne fait cependant pas état des mesures qui seront mises en place pour concrétiser ses dires. Tel que mentionné par Jean Pronovost lui-même, «les moyens ne sont pas là; ce que la politique ne dit pas, c’est ce qu’elle entend faire avec les éléments les plus structurants de notre système qui méritent d’être retouchés pour tenir compte de l’évolution1». Des objectifs visant la souveraineté alimentaire sont présentés, oui. Mais comment les atteindre si, en amont, on ne change pas le fonctionnement d’accès à la terre, du financement, de la mise en marché, etc.?

Le volet développement durable de la nouvelle politique étant celui ayant reçu le moins d’attention médiatique, à quoi pouvons-nous nous attendre? Comment le gouvernement compte-t-il favoriser une agriculture viable? Fait alarmant, la nouvelle politique agricole ne présente aucune vision claire à cet égard. Cette politique ne mentionne aucunement les enjeux émergents qui sont liés à la conservation des écosystèmes. Le développement de l’agroécologie est, lui aussi, ignoré. Cette approche de l’agriculture est pourtant vivement à considérer. Elle a pour but de rendre faible ou nulle la dépendance, dans les systèmes agricoles, aux intrants énergétiques et chimiques dommageables à la fois pour l’environnement et l’humain ainsi que pour la santé économique à long terme de ces systèmes. Élément essentiel sur lequel la politique garde aussi le silence : la volonté d’un étiquetage obligatoire des organismes génétiquement modifiés (OGM).

En conclusion, si la nouvelle politique agricole souhaite se donner une image verte et exprime une volonté de souveraineté alimentaire, elle démontre aussi que le gouvernement n’est pas prêt à mettre en application ce changement de paradigme. Le manque de mesures concrètes et de vision quant à l’environnement et au développement durable sont perceptibles, ce dernier terme étant utilisé probablement parce qu’il est dans l’air du temps. Mais le chemin emprunté est celui du paradigme actuel, celui de l’agro-industrie dans lequel nous misons sur une approche déconnectée des cycles et des particularités des écosystèmes. Tout cela n’est pas viable pour les agricultrices et agriculteurs, pas plus que pour l’agriculture. Nous sommes loin de la souveraineté alimentaire. Il est criant le besoin d’un nouveau contrat social entre la société, son agriculture et la sphère marchande.

* membre du collectif de travail estival 2013 des AmiEs de la Terre de Québec et membre du conseil d’administration.

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