Sur les traces d’un petit caporal néolibéral

Publié le 22 juin 2013

Régis Labeaume, maire de Québec : bilan de 6 années de pouvoir

Par Pierre Mouterde

Les prochaines élections à la mairie de Québec auront lieu le 3 novembre 2013. Elles mettront en jeu le poste de Régis Labeaume : celui qui est autant encensé par les uns qu’honni par les autres, mérite-t-il d’être reconduit dans ses fonctions ?  Telle est la question que chacun se posera dans les prochains mois.  Droit de parole souhaiterait contribuer à la réflexion commune.  Il lance ici le débat sur le travail de Régis Labeaume –un débat qu’il poursuivra à l’automne– en proposant d’ores et déjà un premier bilan de son passage à la mairie.

Bien sûr tout le monde se souviendra de l’élection de Régis Labeaume à la mairie le 2 décembre 2007 avec 59 % des voix, alors que l’ex mairesse Andrée P. Boucher venait de décéder et que son adversaire du Renouveau Municipal de Québec, Anne Bourget, favorite au départ dans les sondages, se voyait obligée de baisser pavillon devant lui, tant son franc parler, son assurance et ses airs apparemment novateurs avaient pu alors séduire un électorat en mal de renouveau.

On se souviendra aussi de sa réélection triomphale le premier novembre 2009 avec 79,7 % des voix exprimées, son parti l’Équipe Labeaume faisant élire ce jour-là 25 conseillers municipaux sur 27. Il est vrai qu’entre temps s’étaient déroulées les fameuses festivités du 400e commémorant la fondation de Québec. Malgré bien des appréhensions et nombre de critiques, elles s’étaient, sous la houlette du discret et efficace Daniel Gélinas, bien passées, rehaussant d’autant auprès du grand public son prestige de premier administrateur de la ville.

De quoi, à cette époque laisser à beaucoup l’image d’un maire audacieux et entreprenant qui a réussi, et qui a d’autant mieux réussi qu’à ses côtés, les maires des autres grandes villes du Québec (Laval, Montréal) faisaient bien piètre figure au regard même des rumeurs grandissantes de collusion et corruption dont ils étaient l’objet. Mais 5 ans plus tard, peut-on en rester à ces premières impressions ?

Des mines d’amiante …

C’est l’affaire Clotaire Rapaille qui, en 2010, commencera à semer le doute et surtout à faire apercevoir de quel bois se chauffe vraiment Régis Labeaume. On savait qu’avant d’être maire, il avait été un homme d’affaire peu regardant sur les moyens employés pour faire fortune. Un homme d’affaire qui profitant de ses amitiés péquistes passées, avait en 1992 acheté à l’État pour une bouchée de pain les mines d’amiante d’Abestos (dénationalisées et vendues au 1/3 de leur prix par le gouvernement libéral), pour les revendre un an plus tard avec de substantiels profits et devenir millionnaire. (1)

Mais on ne savait pas que c’était les méthodes du milieu des affaires qu’il voulait imposer à Québec, avec en prime cette obsession pour tout ce qui « flash » et est vite exécuté.

… à l’affaire Clotaire Rapaille

C’est ainsi qu’il avait cru voir en Clotaire Rapaille, psychanalyste recyclé dans le marketing international, le gourou qui l’aiderait à découvrir le slogan –le fameux code culturel !– permettant de vendre à tout coup l’image de Québec à l’industrie touristique. Avec à la clef tous les potentiels dérapages en la matière ! Comme nous l’avait alors appris le quotidien Le Soleil, le pseudo spécialiste avait indûment gonflé son curriculum vitae et faisait de la fausse représentation en ne vendant bien souvent que du vent, obligeant le maire à brutalement résilier son contrat.  Résultat : l’aventure coûtera 80 000 $ à la ville et 145 000 $ à la région, pendant que les journalistes –pris pour bouc-émissaires de ce fiasco (2)– se méritaient une bonne volée de bois vert de la part du maire.

En fait, tous les ingrédients de la recette Labeaume sont déjà là : ce préjugé favorable accordé au monde des affaires, mais avec en prime ce souci des apparences, cette volonté de séduire le peuple, le tout mâtiné de colères et de bouffées autoritaires. D’où les dédoublements déroutants de son personnage passant sans crier gare du « maire populiste » flattant le monde ordinaire, au « petit caporal néolibéral » devenu soudainement dangereusement autoritaire. L’affaire de l’amphithéâtre, un an plus tard au printemps 2011, en sera la parfaite illustration.

Le paradigme de l’amphithéâtre

Dans un sens ce fut un coup de maître, puisqu’en surfant sur la passion du hockey de larges secteurs de la population ainsi que sur leur désir de voir se réinstaller l’équipe des Nordiques, il aura non seulement engrangé un capital de sympathie populaire, mais encore engagé des fonds municipaux à la hauteur de plus de 200 millions de dollars pour la construction d’un nouvel amphithéâtre; condition préalable imposée par les propriétaires de la LNH à tout rapatriement possible d’une équipe à Québec. Le tout, sans engagement en contrepartie et en s’arrangeant pour que la gestion soit assurée par l’entreprise privée de P.K. Péladeau qui, au passage, se sera assurée d’en socialiser les pertes et de privatiser les profits. Si l’amphithéâtre fait des profits, ils reviendront à l’entreprise et s’il y a des pertes, c’est la Ville qui en assumera la moitié ! Tout ça avec de l’argent public et qui plus est, avec l’appui d’Agnès Maltais, député péquiste de Taschereau venue lui prêter main forte pour passer par-dessus les règles démocratiques en vigueur : grâce à la loi 204 votée à la vapeur en septembre 2011, on se passera d’appel d’offres public et on évitera de se soumettre aux obligations légales de la loi des villes et des cités.

C’était là une toute nouvelle manière de gérer la ville. Non seulement parce que le maire privatisait ainsi des espaces publics en reprenant sans état d’âme le catéchisme néolibéral le plus outrancier (privatiser et déréglementer à tout prix), mais aussi parce qu’il montrait son peu de souci des exigences démocratiques. On en retrouvera les années suivantes la marque indélébile dans de nombreux dossiers.

La marque indélébile du néolibéralisme

Songez à tous ces Projets particuliers d’urbanisme (PPU) qui ont vu le jour dans le sillage de l’affaire de l’îlot Irving dans Saint Jean-Baptiste et du refus de la population –par voie référendaire en 2012– de voir se construire un immeuble passant outre aux règlements du zonage. Ces PPU se caractérisent tous par le fait de court-circuiter le point de vue des citoyens ordinaires et de donner en dernière instance la priorité aux projets des promoteurs d’abord préoccupés de rentabilité financière. Le cas de Saint Roch est particulièrement exemplaire avec son projet de tour à condominiums au-dessus de la bibliothèque, nécessitant une dérogation au zonage et ayant impliqué un conflit avec la CSQ, copropriétaire des lieux et menacée d’expulsion.

Songez aussi à ce projet de tramway, annoncé en grandes pompes en 2010, mais dont en est toujours aux études préliminaires et dont le parcours envisagé, loin de favoriser en premier lieu le déplacement des usagers, est pensé seulement comme une manière d’orienter la densification du futur développement immobilier de la ville.

Songez aussi à ces récentes hausses de taxe –légitimées au nom des lois du marché immobilier– et sur lesquelles le maire n’acceptera de revenir que pour les entreprises et hommes d’affaires; songez encore à ces réductions de personnel (3), à la privatisation de plusieurs services offerts par la ville. Ou même à la façon dont il a affronté le dossier des poussières de nickel, cherchant avant tout à en atténuer le scandale. Songez enfin à ce climat délétère quand il s’agit de négocier avec les syndicats des employés de la ville, en particulier quand il est question de retraites et qu’il joue au matamore.

En fait, on pourrait multiplier les exemples de « labeaumeries problématiques ».  À y regarder de près, il s’agit toujours d’une seule et même manière d’agir, expression lancinante de ce populisme néolibéral si à la mode aujourd’hui. Après 5 ans d’expérimentation tous azimuts, ne serait-il pas temps d’y mettre enfin le holà ?

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1- « En privatisant les mines d’amiante, le gouvernement québécois a vendu pour 34 millions $ un actif qui vaut 80 millions $ » (…) (Quant à Régis Labeaume), « il a quitté l’entreprise une fois la privatisation terminée avec plus de 2.8 millions de dollars en poche ».  Voir Léo-Paul Lauzon (titulaire de la Chaire d’Études Socioéconomiques de l’UQÀM) Privatisation : l’autre point de vue (chapitre 7; p. 223 à 229)

2- Rappelez-vous qu’il voulait alors poursuivre en justice, Isabelle Porter du Devoir, à titre de représailles pour ses propos concernant les firmes d’ingénieurs Dessau et BPR, associées au scandale des compteurs d’eau à Montréal et qui auraient contribué de façon importante au financement de l’Équipe Labeaume en 2008.

3- Suite au plan quinquennal 2009-2013, le poids de la masse salariale dans l’ensemble du budget est passé de 43,3 % en 2007 à 38,8 % (prévu) en 2013, entrainant la disparition de 624 postes de travail, avec un total de compressions de 109, 7 millions pour les 6 dernières années budgétaires. En sachant qu’il est prévu de continuer ces coupures à raison de 3,5 % par an pour chaque unité administrative, en générant 60 millions de compression pour les 3 prochaines années. Chiffres de la mairie.

Commentaires

  1. il me rappele Jean Drapeau qui voulait que l’on soit sur « la map » Regardez les résultats. Grosse ville puante, bruyante où l’on cherche notre langue francaise et bientot notre culture. Montreal-Toronto =entrée de la drogue par excelence. Individualisme et peur de leurs ombres…..J’y vais 3 fois l’an depuis mon retour à québec pour y voir petite fille et le médical. Je reviens « speedy » pendant au moins 2 semaines chaque fois. ici , Le pavage dans les rues bat son plein. Comme dans le temps où pour un vote on le prometait. Aucun pouvoir envers les inspecteurs que t’appèle à l’aide pour sorite de secours inadéquate ou autre. Ce qui prime c’est l’amphithéâtre pour « pêter plus haut que ……… Les ptites gens, rien à foutre mais ceux qui ont des $$$$$$$$, eux ils ont leurs places etc etc etc.

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