L’îlot Irving devant la justice – Un procès déterminant pour l’avenir des luttes urbaines

Publié le 21 juin 2013
Page couverture du journal en janvier 2012 qui présentait un dessin montrant une mixture de condos et de coop dans le même bâtiment
En janvier 2012, quelques jours avant le référendum, Droit de parole faisait sa une (ci-haut illustrée) avec le projet très controversé de l’îlot Irving. Il faut remonter aux évènements de cette époque pour comprendre les enjeux du procès qui se déroule cette année au palais de Justice de Québec. Le promoteur, GM Développement, poursuit pour 115 000 $ deux citoyens qui avaient, entre autres, qualifié son projet de « monstrueux ».

– Marc Boutin

Un procès, dont le résultat aura des répercussions importantes sur l’avenir des luttes urbaines, se déroule depuis le mois de mai au Palais de justice de Québec. Deux citoyens du Faubourg Saint-Jean, messieurs Yves Lacouture et Christian Caron, sont poursuivis par la compagnie GM Développement (GMD) pour la somme de 115 000 $ pour avoir prétendument démonisé le projet de l’îlot Irving -ils l’ont traité de monstre -et avoir induit la population en erreur en affichant un dessin dont la perspective, d’après la poursuite, exagérait la hauteur du projet.

GMD réclame 75 000 $ pour atteinte à sa réputation et 40 000 $ en perte matérielle. Le juge Robert Legris de la cour supérieure de Trois-Rivières devra trancher, à savoir s’il s’agit ou non, de la part de GMD, d’une poursuite-bâillon, c’est-à-dire d’une atteinte à la libre expression des citoyens en matière de développement urbain.

Le juge devra aussi déterminer si des citoyens peuvent être tenus responsables des pertes matérielles d’un promoteur dont le projet est refusé par voie démocratique, et ce, sur la base d’une soi-disant désinformation de leur part.

La poursuite

Tous les témoins de la poursuite se sont dits atterrés, un certain lundi matin d’octobre 2011, en voyant affichées le long de la rue Saint-Jean des pancartes présentant le projet de l’îlot Irving dans une version, selon eux, plus grosse que nature. La conseillère du quartier, Chantal Gilbert a fait valoir une vérité de La Palice : l’opposition des citoyens au projet a bel et bien nui à sa réalisation. L’architecte du projet, André Roy a dû reconnaître que sa propre esquisse du projet, qui servait d’affiche pour le comité du oui, présentait une tour principale plus basse que « nature ». Quant à Nicolas Lefebvre-Legault, coordonnateur du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, il a fait valoir que, malgré la hauteur exagérée de la tour à condos, le comité des citoyens a décidé d’accepter un compromis pour que se réalise une coopérative d’habitation de 20 logements.

Enfin, grosse nouvelle pour tout le faubourg, Madame Geneviève Marcon de GMD à révélé au juge que toute cette histoire l’avait «brûlée» et que sa compagnie ne présenterait pas un autre projet sur le site de l’îlot Irving. Avant de se réjouir, n’oublions pas que, jusqu’à nouvel ordre, GM Développement reste propriétaire du terrain. De plus, madame Marcon prétend qu’il ne peut s’agir d’une poursuite-bâillon, puisque « GM Développement n’est pas une multinationale ».

La défense

La défense a jusqu’à maintenant présenté un seul témoin, Yves Lacouture, un résidant de la rue Saint-Jean. Ce dernier faisait partie d’un groupe de citoyens qui, après avoir constaté la hauteur démesurée du projet, a engagé un étudiant en design pour en faire une affiche. Le but était d’encourager les citoyens à signer le registre pour la tenue d’un référendum. L’affiche a été placée le long de la rue Saint-Jean quatre jours de suite et chaque nuit, toutes ces affiches étaient arrachées. Après avoir reçu une mise en demeure de la part du promoteur, Yves Lacouture dit avoir été intimidé. Il a donc réduit sa participation dans le groupe et laissé la direction à d’autres. Le procès à été reporté à l’automne pour la fin des témoignages de la défense (au moins trois autres témoins) et les plaidoiries.

Ce procès n’est pas seulement le théâtre d’une chicane entre deux parties civiles. Le rôle que pourront jouer les citoyens dans les décisions concernant l’aménagement de leur ville est ici en jeu. Si le juge tranche en faveur de messieurs Lacouture et Caron, le rôle actif des citoyens dans la prise de décision démocratique concernant leur milieu de vie sera à l’abri de poursuites intempestives et, du coup, reconnu par la cour. S’il tranche en faveur de GM Développement, à l’avenir les citoyens auront raison d’avoir peur de s’exprimer. Il ne restera plus, si cette alternative s’avère, aux plus audacieux qu’à descendre dans la rue pour faire valoir leur droit de décider dans quelle ville ils veulent vivre.

* * *

Saint-Roch connaîtra-t-il son propre rififi ?

GM développement aurait dans ses cahiers, pour le quartier St-Roch, les plans d’un bâtiment de 10 étages qui abriterait une soixantaine de condos. L’édifice, coin Caron et Sainte-Hélène, serait situé en face du café Babylone. La population locale verra-t-elle d’un bon oeil, cet insertion dans le paysage de St-Roch ? Ça reste à voir.

Entre temps, monsieur Campeau, coprésident de GM développement, tente de rassurer les citoyens : « Ce sont dix étages, mais ce n’est pas une tour, c’est un dégradé. Ce ne sont pas dix étages pleins. » Cela ressemble à s’y méprendre au projet de l’îlot Irving.

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