Mépriser les comités citoyens, c’est mépriser les citoyens!

Publié le 21 décembre 2012

Photo du haut de l'escalier du Fauxbourg, on voit donc le bas de la Côte d'Abraham et des édifices autour des Jardins Saint-RochPar Marc Boutin

Au lendemain des consultations publiques sur le Programme particulier d’urbanisme (PPU) du quartier Saint-Roch, Régis Labeaume a balayé les arguments du Comité citoyen de Saint-Roch du revers de la main sans tenir compte de leur sérieux et du travail remarquable accompli par plusieurs dizaines de citoyens désintéressés. Sans doute alimentée par Chantal Gilbert ou par François Picard – puisque ces derniers étaient présents aux consultations et que le maire n’y était pas – la réaction de Monsieur Labeaume relevait d’un dogmatisme disons… pour rester poli, plutôt primaire.

Dans une envolée dont il a le secret, le maire a reproché aux groupes populaires de Québec d’être « contre une chose et son contraire », soit de réclamer la fin de l’étalement urbain tout en s’opposant chaque fois à ses propres efforts de densification.

Là s’arrête sa réflexion, du moins en public, une réflexion qui reste à un niveau de raisonnement et de désinvolture digne de la radio agressive locale.

Un des problèmes dans ce qui devrait être un débat d’idées, c’est que monsieur Labeaume utilise les concepts de densité, de mixité et d’étalement comme bon lui semble, sans nécessairement en comprendre toute la complexité et le plus souvent, de façon à avantager le point de vue des promoteurs dans le rapport de force qui,  inévitablement,  s’installe entre citoyens et promoteurs, dans toute planification ou projet urbain d’envergure.

À la consultation de Saint-Roch, c’était flagrant. D’un côté, cinq promoteurs avec un même point de vue: dézoner Saint-Roch le plus possible pour construire des tours et attirer une classe sociale «plus de qualité». De l’autre, plus d’une quarantaine de mémoires de citoyens ou de regroupements de citoyens voulant préserver la qualité de vie du quartier, de la Place Jacques-Cartier et voulant réduire la place trop grande que prend l’automobile.

Étalement versus densité 

Pour un promoteur immobilier, l’étalement urbain n’est pas nécessairement une mauvaise affaire. L’idéal pour qu’il en vienne à pouvoir mettre du beurre sur ses épinards, c’est que l’État lui fournisse les rues, les autoroutes, les infrastructures, le transport public, les écoles et les services de santé dans de nouvelles banlieues (lointaines), tout en lui laissant le loisir de construire des maisons sur place, des tours à bureaux et des stationnements au centre-ville et au moins un centre commercial quelque part entre les deux. Et pour que le scénario lève, il est utile d’avoir à sa disposition un politicien capable de refréner les ardeurs écosensibles des résidants du centre-ville, un rôle que l’actuel maire de Québec remplit à merveille. Le zonage laxiste que l’administration du maire préconise est une prime à la spéculation, du bonbon pour les GM Développement et les Cadillac-Fairview de ce monde.

Régis Labeaume s’est présenté à l’électorat comme le grand pourfendeur de l’étalement. Sa recette est simple: densifier de toutes les façons possibles et au maximum le centre-ville. Et au diable ce frein au développement qu’est pour lui le zonage. À preuve les projets l’Étoile sur la Grande-Allée, l’îlot Irving, les hôtels Boréal et Europa dans le faubourg Saint-Jean et Maria-Goretti à Charlesbourg, l’édifice de sept étages prévu coin Cartier et René-Lévesque, la tour de la CSQ Place Jacques-Cartier, etc.

Il y a cependant un hic dans la recette du maire. C’est qu’en général, et c’est vrai surtout à Québec, plus les règlements de zonage sont restrictifs quant aux hauteurs, plus ils se rapportent et conviennent à des quartiers de haute densité.

Plus ces règlements sont permissifs quant aux fonctions, plus ils favorisent la mixité sociale et fonctionnelle des quartiers concernés. L’exemple de Saint-Jean-Baptiste est éloquent à cet égard: si la densité et la mixité du faubourg étaient reportées sur l’ensemble de la Ville de Québec, cette dernière serait l’égal de Paris avec une population de plus de huit millions d’habitants.

Quant aux tours et aux gratte-ciel, que leur rôle soit administratif ou résidentiel, plus ils sont hauts et plus ils sont nombreux, plus ils participent à la ségrégation fonctionnelle (séparation des fonctions) de l’agglomération où ils se trouvent, plus ils forcent leurs occupants à se mouvoir en automobile d’une fonction à l’autre, donc plus ils provoquent de l’étalement. Eh oui, messieurs Labeaume et Picard, on ne calcule pas la densité d’une tour sur la seule base de la surface que cette tour occupe au sol: il faut tenir compte des aires de dégagement et de complémentarité et souvent ces dernières se répandent sur des kilomètres et des kilomètres.

Un maire à l’attaque

C’est la logique et la qualité des présentations du Comité citoyen de Saint-Roch qui ont piqué le maire, qui l’ont poussé à évacuer la réflexion au profit de l’injure. Il y a de la part du maire une forme de protection contre un débat de fond qu’on serait incapable de soutenir. C’est la réaction de celui qui n’a pas d’arguments probants.

Régis Labeaume considère que sa popularité dans les sondages lui permet de mépriser les regroupements de citoyens. Faut-il insister sur une donnée fondamentale de la démocratie qui veut qu’un maire soit le protecteur des intérêts, non seulement collectifs, mais aussi particuliers de ceux et celles de qui il reçoit mandat et salaire? Or, dans la plupart des rapports de force qui ont surgi sur le territoire de la Ville entre citoyens locaux et promoteurs, M. Labeaume, depuis qu’il est maire, a pris la part des promoteurs. En commençant par l’affaire Red Bull sur la Côte de la Montagne au début de son premier mandat, jusqu’à celle toute récente de la tour de la CSQ dans Saint-Roch.

 

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