Un nordicophobe fait l’éloge du ballon-balai

Publié le 13 novembre 2012

Par Marc Boutinballon-b

La nordicomanie et l’amphithéâtrose qui font rage à Québec me rendent tout simplement dingue. Attisées par la mairie et par les radios poubelles, les germes porteurs de ces deux maladies épidémiques se propagent depuis des années comme la misère parmi les pauvres, sans rencontrer d’antidote sérieux ou de germe prédateur, autre que le sympathique Denis De Belleval.

Le texte qui suit propose une modeste cure à la nordicomanie ambiante: l’amour de ce sport de plein air qu’est le ballon-balai tel qu’il se pratique sur la patinoire extérieure du parc de l’Esplanade, rue D’Auteuil.

Et pousse la poque…

Abordons la question du point de vue économique. Voici un scénario comptable (chiffres de 2012) réaliste du retour appréhendé des Nordiques sous le ciel de Québec.

Quarante-deux soirs par année, dix-sept mille Québécois vont payer, chacun et chaque soir, en billets, en stationnement, en transport, en temps perdu, en malbouffe, en bières et en matériel promotionnel, une moyenne de 100 $ pour assister à une partie de hockey. Il s’agit là d’un chiffre très conservateur qui ne tient compte ni du coût du voyage que feront plusieurs amateurs des régions éloignées, ni des dépenses d’après-match.

C’est donc, minimalement, 1 700 000 $ par partie, et autour de 75 millions $ par année, que les fervents nordicophiles devront débourser pour voir de près trente pousseux de poque et tapocheurs de service (qui, pour la plupart, n’auront que peu de liens avec la Ville de Québec) pousser la poque contre trente autres pousseux et tapocheurs (qui auront peu à voir avec la ville qu’ils prétendront représenter) dans un spectacle de la plus haute insignifiance, quand on y réfléchit deux minutes.

Dix sept mille personnes bien assises à se laisser engraisser, à boire dans leur loges corporatives en brassant des affaires suspectes, à faire la vague au son du tambour de Max Gros-Louis et à attraper des maladies mentales et physiques avec la coupe en tête, tandis qu’en bas dans l’arène, 60 millionnaires donneront leur 51% en faisant semblant que c’est important, en faisant semblant de ne pas s’aimer, en faisant semblant de ne pas mourir de rire.

Un gros divertissement bas de gamme. Tout ça sans compter les centaines de milliers de fanas à la maison, écrasant leurs prostates sur des sofas de chez Tanguay en mangeant des nachos, les yeux rivés sur leur téléviseur à gober des pubs de malbouffe et de gros chars et qui, à la fin de chaque période, iront tous pisser leur bière en même temps. Les égouts de banlieue vont déborder et, foi de Surprenant, ça va coûter cher pour augmenter la capacité du système.

Tout ça sans compter le prix de construction de l’amphithéâtre qui – on peut parier la-dessus – va coûter pas mal plus que le 400 millions prévus (à cause des ingénieurs, des architectes, des intermédiaires corrompus) et dont la facture, selon la rumeur, ne sera assumée ni par PKP, ni par les joueurs millionnaires – eux-mêmes « barrés dehors » par les temps qui fuient, comme dirait Jean Dion – mais bien par vous même, chers lecteurs.

Enfin, tout ça sans compter le coût des soins de santé associés aux accidents de circulation, aux commotions cérébrales qui rendent fou et aux effet pervers de la malbouffe et de la surconsommation en général.

Et roule le ballon…

Cela dit, j’aime beaucoup le hockey, ce sport dont le principe de base, aujourd’hui bafoué, est de jouer dehors. Deux conditions pour moi s’imposent: il faut que je sois moi-même sur la glace et, comme le veut notre merveilleux système de santé, la participation doit être total gratis pour tout le monde tout le temps.

Alors, quand j’ai vu le prix de l’équipement pour le hockey et celui du temps de glace dans les arénas, j’ai opté pour le ballon-balai, le vendredi soir à 21 h, sur la patinoire de l’Esplanade dans le Vieux. On s’y rend à pied sans autre équipement que nos hardes de tous les jours. Le Comité populaire fournit ballons et balais, la Ville l’éclairage et les buts. Et tous, sans discrimination d’âge, de sexe ou d’aptitude, sautent sur la glace, se divisent en équipes et font rouler le ballon.

Les quelques spectateurs qui, au hasard d’une marche dans le Vieux, s’arrêtent pour apprécier, constatent d’emblée que le spectacle est tout aussi insignifiant que celui de la Ligue nationale. Mais le plaisir qu’on prend à se toucher sans que ça fasse mal et à compter des buts sans tenir compte du pointage semble contagieux.

Les curieux sont invités à se joindre sur le champ aux ballon-balayeurs. La plupart acceptent pour se réchauffer. Une fois sur la glace, des personnes seules, des couples, voire même des familles entières de Français, d’Allemands, d’Étasuniens, de Japonais et jusqu’à des banlieusards se laissent séduire par la frénésie. Ils y prennent goût, quelquefois au point de revenir la semaine suivante.

À la fin, on se retrouve tous autour d’un pot, épuisés, à se demander commet il se fait qu’il n’y ait pas plus de participants. Et on se permet de rêver… peut-être que si la Ville de Québec mettait autant de sous dans la promotion du plein air gratuit pour tous qu’elle en met dans l’érection d’un amphithéâtre géant qui, somme toute, sera un cadeau à l’entreprise privée, peut-être que…

Soyons fiers

Depuis le départ des Nordiques, il y a 17 ans, c’est 1.3 milliard de dollars que la population de Québec a soustrait de la sacoche des pousseux de poque de la Ligue Nationale et des maîtres Aubut de ce monde. Soyons fier de cet accomplissement que notre maire mégalomane cherche par tous les moyens à nous faire oublier. C’est à PKP et à ses futurs pousseux de poque qu’il aimerait refiler le magot. Dans le sport comme en santé, avec le privé on se fait fourrer.

 

 

Édition de novembre 2012 – Le blues du centre-ville

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